On ne connaissait du Club Pierre Charron que quelques images d’une vaste salle de jeu flambant neuve, dévoilées depuis quelques jours. C’est désormais officiel : le 1er juillet ouvrira cet établissement qui vise d’emblée à s’imposer comme le club le plus attractif de Paris. Avec, côté direction et employés, de nombreuses personnalités du jeu et du poker, connues bien au-delà de nos frontières pour leur savoir-faire et leur intégrité. Passage en revue.
De gauche à droite : Serge Graziani ; Mathieu Biagué ; Ziad Farhoud ; Pascal Rolin ; Bruno Fitoussi ; Julien Biagué
Il y a sûrement quelque chose de rassurant, pour le joueur expérimenté comme pour le novice, de savoir qu’on met son destin entre de bonnes mains. Il suffit de jeter un rapide coup d’œil à l’organigramme du nouveau Club Pierre Charron pour comprendre qu’on y jouera désormais à domicile. Transfuges d’anciens cercles de jeux salués par les joueurs pour leur sens de l’accueil et leur assurance du beau jeu, professionnels du monde des casinos ou, tout simplement, aficionados aguerris : c’est en alliant toutes ces forces diverses et reconnues que le Club Pierre Charron a fait le pari de prendre le leadership des clubs parisiens. Jean-Louis Arniaud, Directeur Responsable du CPC résume ainsi le projet : « L’apparition du Club Pierre Charron sur la scène du jeu parisienne marque vraiment le début des ères des clubs de jeux, avec une concurrence nombreuse et saine. Au CPC, notre priorité est avant tout le bien-être du joueur, qu’il prenne plaisir et ait envie de revenir. Pour cela, nous avons monté une large équipe qui cumule toutes les compétences nécessaires. »
Bruno Fitoussi, Consultant poker
Bruno Fitoussi, consultant poker pour le Club Pierre Charron et figure historique du poker hexagonal, ne dit rien d’autre : « Tout a été fait pour que les conditions de jeu soient les meilleures possibles, avec un service à table optimal. Et au niveau de la qualité des équipements de jeux — fauteuils, tapis, jetons—, tous les choix ont été longuement mûris… » Quant au Directeur des jeux Pascal Rolin, il est lui aussi passé par l’école des cercles parisiens et souligne « la systématisation de la technologie RFID dans les jetons, aussi bien pour les jeux de contrepartie que pour le poker, ce qui permet une intégrité absolue du jeu et une bien plus grande fluidité, permettant de jouer plus de mains par heure. »
Pascal Rolin, Directeur des jeux
L’union sacrée
C’est d’une voix commune que toute la direction et les employés du Club Pierre Charron le disent : la culture des cercles de jeux, en terme de savoir-faire et d’accueil clientèle, était unique et exceptionnelle. Mathieu Biagué (Directeur de Caisse), l’une des figures de l’ex-Aviation Club de France avec son frère Julien Biagué (Directeur des Jeux), incarnent parfaitement la rigueur et l’élégance nécessaires à la bonne tenue d’une salle de jeux. Julien Biagué, ainsi que Serge Graziani (Chef de Partie poker), visage lui aussi bien connu des joueurs de la défunte ACF, sont formels : « Connaître les joueurs, les identifier et les accueillir à chacune de leur venue, c’est le meilleur moyen pour instaurer une bonne ambiance à la table. Nous sommes reconnus depuis plusieurs décennies pour notre impartialité dans les décisions à prendre lorsqu’il s’agit d’appliquer le règlement, et tous aiment avoir un environnement sain pour mettre de l’argent en jeu. »
Serge Graziani, Chef de partie poker
Jean-Louis Arniaud est un ancien directeur de casino, passé par les établissements Barrière de Menton, Nice ou La Baule ; Directeur Responsable du CPC pour son lancement, il pose un regard distancié et laudateur sur l’équipe ainsi recrutée parmi les meilleurs d’Europe : « Nous avons apporté une culture financière venue du casino, avec sa rigueur gestionnaire, pour promouvoir toute la connaissance accumulée pendant des années par tous ces professionnels du poker et du jeu de table parisiens. J’étais moi-même étonné de voir à quel point Paris est la place forte, en France mais aussi en Europe, en terme de savoir-faire. Ce qui se prépare dans ce club est tout simplement bluffant en terme de qualité… L’équipe de quelques cent cinquante employés de jeu est unique en son genre. »
L’innovation technologique au service de la tradition
On a déjà vu toute l’inventivité de l’équipe du Pierre Charron en action avec l’organisation, cet hiver 2020, du WPTDS Paris, en « délocalisé » au Palais des Congrès : « Le Club Pierre Charron a pour vocation d’accueillir les franchises les plus prestigieuses du poker. Nous avons signé pour plusieurs évènements avec le World Poker Tour mais également avec les World Series of Poker » martèle Ziad Farhoud, Directeur marketing & technologie, que le milieu poker connaît depuis ses années au Clichy-Montmartre ou l’organisation de tournois au casino Es Saadi de Marrakech en compagnie de Pascal Rolin. « Le poker est l’une de nos priorités en terme d’image. Nous avons d’ailleurs des projets en développement pour promouvoir plus largement le jeu. »
Mathieu Biagué, Directeur de caisse ; Julien Biagué, Directeur des jeux
Julien Biagué rebondit : « Nous considérons que tous nos joueurs sont uniques, et nous ne faisons pas de différence entre ceux qui préfèrent la contrepartie ou le poker. Nos tables d’Ultimate feront ainsi tout naturellement le lien entre ces deux univers qu’on dit souvent disjoint… » Mathieu et Julien Biagué font d’ailleurs remarquer que « tous les jeux de contrepartie autorisés par la loi sont disponibles au CPC, et qu’il n’est fait d’impasse sur aucune offre. » Quant au poker, Bruno Fitoussi, qui pose un regard de consultant aguerri par trois décennies de bons et loyaux services à promouvoir ce jeu à Paris mais aussi à Las Vegas et dans toute l’Europe, « espère que la réglementation va évoluer, avec la possibilité d’accueillir de plus nombreuses variantes, et pas seulement l’Omaha à 4 cartes et le Texas Hold’Em. »
Ziad Farhoud, Directeur marketing & technologie
Côté sécurité, Ziad Farhoud a le sourire : il vient juste de se voir confirmer la validation d’une technologie inédite qui permet de « désinfecter pour une année toutes les surfaces de jeu du club. » Ajoutez à cela des séparateurs en verre entre les joueurs au poker (8 joueurs max) et en tables de jeu (5 places), le nettoyage aux UV des jetons et des cartes, ainsi qu’une machine à disposition à l’entrée qui vérifie la température corporelle, et vous aurez le plus sécurisé des environnements de jeu. « Même si l’heure est à une ouverture principalement tournée vers le public parisien, de par la restriction des voyages actuellement, le CPC a tout pour devenir un hub accueillant gros joueurs internationaux, tournois de prestiges, et belles tables privées, » soulignent les deux directeurs des jeux. « Nous offrons une qualité exceptionnelle aussi bien pour les petites tables que les grosses parties, car nous savons que le jeu est un écosystème. Notre rêve est de pouvoir créer de nouvelles générations de joueurs, d’attirer un public mixte et international, et d’enfin remettre Paris au centre du jeu, comme capitale européenne de notre savoir-faire centenaire. »
Alors que le Day 1A s’apprête à accueillir, en mode turbo, un Day 1b qui débute chaque jour à 18h, les busto ou les joueurs trop en retard qui veulent une compétition ne s’étalant pas sur trop de journées, se pressent déjà pour le « Battle Royale », un 750€ qui débute à 17h30, avec des ITM qui se reverront en Day 2 pour toucher le « vrai » argent. Déjà 50 inscrits, et au vu des tables où les croupier se sont déjà installés, il semble que le field devrait au moins doubler dans l’heure à venir.
Au programme, 1 seul re-entry possible, des niveaux de 25 minutes et un bounty à 300€. Bruno Fitoussi, qu’on a aperçu de loin en grande discussion avec Apo Chantzis et François Lascourrèges, les deux hommes-lige à la marque Texapoker, devrait être de cette compétition : l’ambassadeur de la marque a dû renoncer au dernier moment à jouer le Main Event qu’il convoitait car il aurait été pris par un rendez-vous immanquable en éventuel Day 2…
Le poker est une course de fond, mais au rythme assez soutenu des niveaux d’une demie heure proposés par ce Day 1A —à l’heure où nous écrivons ces lignes, sur un tapis de départ, on est déjà à mi-parcours du 600/1200/1200—, les éliminations se succèdent à un train de sénateur (lentement, donc, mais sûrement). Pierre Calamusa, le deuxième pro Winamax à avoir fait son apparition dans la grande salle du parc des Expos de la porte de Versailles, a amené un peu de chaleur et de vie avec lui, déclenchant les selfies des qualifiés et autres joueurs ayant fait le déplacement.
En parallèle, des satellites s’organisent à l’entrée de la salle de tournoi, sous l’oeil affûté d’Apo Chantzis, l’homme derrière la saga fabuleuse de Texapoker, devenu en quelques années le grand acteur incontournable du poker live en France. Ses équipes sont en place, les croupiers de toutes nationalités enchaînent avec dextérité les mains, tandis que les Tournament Director et autres responsables assurent des jugements de Salomon lors des rares protestations. Au menu des satellites, un format peu connu —en tout cas, pas chez nous— qui accélère le jeu : une fois atteint un tapis de 120 000 jetons (sur un tapis de départ de 20 000 jetons), vous décrochez automatiquement vos buy-in pour la finale, au jour désiré. Le gamble va bon train, avec des levels de 10 minutes, mais tout semble désormais possible, avec seulement 105€ en poche. Le rêve, toujours, à portée de jetons.
Les années passent, les passions se déplacent. Il y a quelques années encore, se diriger vers l’autre bout de Paris (quand on habite rive droite) au beau milieu du mois de mars était synonyme d’un voyage quotidien, durant une petite semaine, vers le Salon du Livre qui avait lieu au mêmes dates que cette grande finale du Winamax Poker Tour, au même endroit —dans l’un des grands pavillons de la Porte de Versailles.
En arrivant ce matin sous la chape nuageuse qui obscurcit ce quartier sans grand charme du deep south parisien, les souvenirs reviennent : l’effervescence des signatures d’écrivains régionaux qui attendent le chaland désespérément, les files d’attentes interminables devant les quelques rares stars de l’édition, les stands thématiques qui rappellent plus le salon de l’agriculture que la décadence germano-pratine, les open bar mouvants des soirées de vernissage, les réserves de livres qui s’agitent frénétiquement au rythme des aventures sexuelles des différentes parties en présence, les haines pichrocolines entre éditeurs, les rumeurs de rachat entre géants de l’édition pré-Bolloré (Editis, Hachette, Gallimard), et les reportages cultes qui y sont tournés (« L’édition c’est pas de la littérature », meilleur Strip Teasejamais proposé sur la question, à découvrir gratuitement ici).
Cette année, c’est le poker qui a pris place, parmi d’autres, dans l’un des grands pavillons de cette gigantesque place tournante qu’est la porte de Versailles et ses salons à tous les étages. Au-dessus, une exposition Johnny Haliday, dans deux jours, un championnat de France du sushi, en attendant le « Salon des seniors », le « Sandwich & snack show » ou le plus populaire « Comic Con », fin du mois. Les passions s’additionnent, se superposent, cohabitent le plus naturellement possible.
Avec le temps, la littérature poker, elle, a quasiment disparu. Fut une époque où chaque grand champion offrait son propre livre au joueur qui le bustait des WSOP. Alors que les grandes théories du jeu avaient été popularisées par ce medium —Super System de Doyle Brunson en tête—, et que chaque joueur sponsorisé rêvait d’avoir son nom en couverture d’une biographie ou d’un livre de stratégie (Isabelle Mercier, Patrick Bruel, les collections de François Montmirel —pour les francophones), la mode est passée. « Un livre, mais pour quoi faire ? » répondait un grinder américain à une intervieweuse aux WSOP qui s’enquérait quant au jour où il sortirait sa méthode. Désormais, le passage de témoin se fait par les tutos vidéos, les streaming sur twitch et, de plus en plus rarement, sur des blogs éditorialisés pour l’occasion.
Si les écrits restent, la parole, elle, circule. Elle s’accommode des changements et des évolutions stratégiques, permet de réviser ses erreurs et les nier, autorise tout un chacun à ne pas passer pour le ringard de service. Seuls les récits épiques du jeu parviennent encore à trouver matière à réédition, avec un public de plus en plus restreint. Mais sans story telling, sans grand souffle, le poker arrivera-t-il encore à subsister dans l’histoire et écrire ainsi son grand roman?