Comme Las Vegas, les World Series sont à la fois le problème et sa solution, une hydre qui engloutit en masse ses inféodés les plus faibles et célèbre, des années plus tard, des résurrections qu’on n’attendait plus. Hier soir, un banal tournoi à 1 500$ (NLHE Shootout, Event 14) a ainsi pris des allures de tournant historique. Non pas que la foule était au rendez-vous, au contraire : la table finale avait lieu sous les néons crus de la Brasilia Room, bien loin des caméras du « vaisseau ESPN » placé dans l’Amazon Room attenante. Au casting de la finale, des noms connus des habitués du circuit : Jeff Madsen, Brand Schaefer et Layne Flack. Le premier ? Le « Wonder-kid » des WSOP 2006 : arrivé encore adolescent, timide et vaguement acnéique, il était reparti de Vegas à tout juste 21 ans (âge légal pour jouer aux USA) avec deux bracelets, 1 500 000$ de plus dans sa bankroll quatre tables finales (dont en Stud et Omaha Hi-Lo) et une journaliste d’un média américain au bras qui avait fait son marché au hasard des gagnants de cette édition. Depuis, Madsen avait continué à écumer les tournois, à rajouter quelques centaines de milliers de dollars sur son compte, et à se laisser séduire par les railbirds féminines du circuit. Hier, en finissant 7ème, il renouait avec un succès qui lui échappait depuis plus de deux années finies en sommes à 5 chiffres, synonymes de grosses pertes pour un joueur qui a continué à fréquenter toujours assidument le circuit américain.
Mais la véritable attraction pour les old-timers hier n’était autre que Layne Flack. Un autre Wonder-kid, mais d’une autre époque. Flack est « né » médiatiquement à la fin des années 1990, après sa victoire de la 1997 au Hall Of Fame Poker Classic, puis une année plus tard en runner-up d’un NLHE 2000$ aux WSOP, finissant devant Scotty Nguyen. Pour tous, Flack est l’héritier direct de Stu Ungar, comme une réincarnation apparue à la surface de la planète poker au même moment où le Kid Ungar se laissait emporter par une overdose dans un motel perdu de Glitter Gulch. Héritier, Flack, car directement dans la lignée de Ungar : un joueur instinctif, terriblement brillant, trop sûrement pour un monde du poker qui à cette époque déjà tendait à s’aseptiser, et un adepte de l’extrême, goûtant à toutes les drogues (alcool, cocaïne, PCP, Crystal-meth), broke au quotidien, gagnant à tout jamais. Demandez à ses amis —et ils sont encore bizarrement nombreux— de vous parler de Flack, et tous auront le même sourire gêné, plein d’affection. Ted Forrest, son backer de l’époque, avait dû se battre comme Billy Baxter avec Stu Ungar, à le sortir de son lit pour qu’il descende au Horseshoe. Pendant ces années, Flack vit une bouteille de bourbon à portée de main. « Un matin, Hellmuth et Forrest vont me chercher dans mon lit, en hurlant pour que je me réveille. Il paraît que j’étais en table finale d’un tournoi des World Series, j’avais complètement zappé, trop soul pour m’en souvenir. » Quelques minutes plus tard, au bout de trois mains, il élimine le chipleader, et entame sa route vers son premier bracelet.
Au début des années 2000, Flack goûte à la drogue, via un ami qui lui passe une pillule d’ecstasy. Avant cela, Flack s’était contenté de l’alcool, avec un excès rare. « C’est le meilleur ivrogne que j’ai jamais vu jouer au poker », se contente de résumer un croupier du Horseshoe de l’époque. Pour Flack, la drogue est une nouvelle étape dans sa vie d’addict, et elle coïncide avec ses années les plus brillantes en terme de poker, puisqu’il totalise plus de 2 000 000$ de gains entre 2002 et 2004. « A cette époque, je n’ai jamais joué sobre, » nous confiait-il l’an dernier à la pause d’un tournoi des World Series, les cheveux en brosse et la mine reposée. « Je n’ai même pas vu le monde du poker évoluer, tout allait simplement, j’étais défoncé 24h/24, et les jetons venaient vers moi. » Etrangement ses années de rehab, passées à décrocher, coïncident aussi avec ses moins bons résultats. « Daniel Negreanu m’a pris en main, il a payé de sa poche ma cure de désintoxication, et toute ma vie, je le remercierai pour cela. J’étais broke, sans le moindre sou, des gens se sentaient trahis par ma conduite, et je roulais à 200 à l’heure vers un mur d’acier, le sourire aux lèvres… ». Hier, en finissant quatrième, Flack a renoué avec un succès qui lui échappait depuis trois saisons. En un min-cash, sous le regard bienveillant d’Erik Seidel et Daniel Negreanu, restés tard le soutenir, il a totalisé plus que ses années 2009, 2010 et 2011 réunies. Les cheveux longs, le regard fatigué, la silhouette de Flack a quitté la lumière blafarde de la Brazilia Room avec le sentiment du travail accompli, 90 000$ en poche. Combien doit-il à ses backers ? Que fera-t-il du (petit) pourcentage qui lui restera ? « Vegas est la ville au monde où se retrouvent les plus grands arnaqueurs, les plus belles putes et les dealers qui ont la meilleure came. Quand tu tombes là-dedans gamin, comme moi, tu ne te rends pas compte que tu as sauté à tout jamais dans la fosse aux requins. Et t’as beau essayer, rien n’y fera : tu ne t’en sortiras jamais », résumait-il, lucide, il y a quelques années à des confrères anglais.
Une fois Flack éliminé, les pros américains ont détourné leur regard de la table finale du NLHE Shootout. Pourtant, un des joueurs encore en lice suscitait l’intérêt de la rare presse présente au début des WSOP : Brandon Schaefer. En début d’après-midi, en arrivant au Rio, la silhouette longiligne de Schaefer se pressait afin de ne pas arriver en retard à sa table finale. Schaefer ? Une survivance du passé. Pas encore trentenaire, ce jeune Américain est un des premiers Wonder-kids à avoir goûté au succès en Europe. C’est avec lui que j’ai découvert ce qu’était le poker de tournoi, en 2005. Alors encore quasi-adolescent, doté d’un visage poupin, il avait débarqué, qualification via PokerStars en poche, sur le circuit EPT, et décroché dès sa première participation, un titre à Deauville. A l’époque —celle de la première saison EPT, le Main Event deauvillois était proposé à 2000€, et derrière lui, on retrouvait déjà Justin Bonomo ou Luca Pagano. Seul après la victoire, les billets étalés sur son lit du Normandy, Schaefer s’était servi un bol de céréales pendant la séance photo qui suivait, le regard perdu dans les brumes des planches deauvilloises. Trois mois plus tard, il signait quasiment un doublé lors de la grande finale monégasque de l’EPT, finissant runner-up derrière une des légendes du poker européen, l’Hollandais Rob Hollink, et devant un joueur français attachant et totalement disparu du circuit, Abdulaziz Abdulaziz. Avec cet argent, Schaefer n’avait qu’un but, simple : faire le tour du monde et assister à tous les matchs de basket possibles, accompagné de sa petite amie ou de son frère. Le gamin de Seattle n’en avait que faire de continuer à écumer le circuit ; il s’était même promis, à l’époque, de ne pas y regoûter, de profiter de la vie et de finir ses études. Pendant tout ce temps, je l’ai recroisé par intermittences, et il pratiquait toujours le poker en passion pure. Hier, sept années après son explosion en Europe, Schaefer a imposé son style modeste et sa coolitude naturelle, décrochant dans un grand éclat de rire son premier bracelet WSOP.
Le heads-up aura finalement été assez rapide malgré un retour de suspens dans un match qu’on pensait à sens unique après le KO de Sofian dès le début de la finale.
Didier Logghe se sera bien battu mais s’incline au final avec Valet Sept contre la paire de Huit à l’issue d’un board : 6 7 K 2 4
Belle victoire pour Sofian, qui empoche un chèque de 35230€, tandis que Didier repart avec un gain de 23350€.
Place désormais au champagne et à la photo officielle pour célébrer le vainqueur du BPT Toulouse 2018.
Assis devant une tonne, Sofian remporte le trophée du BPT Toulouse 2018, en costaud !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 2 joueurs – Moyenne : 10425k
Le heads-up commence très fort par un double-up de Sofian, qui arrive à doubler avec As Six contre les Dames, une nouvelle fois, chez Didier. Le 6 au flop puis l’As turn et Didier doit se délester de 9025k, le montant du tapis adverse. Pour la plus grande joie du clan de Sofian, resté en nombre malgré l’heure tardive.
Puis Didier relance la machine et enchaîne deux double ups de suite pour revenir à niveau !
Ce heads-up commence très fort, en mode montagne russe.
Le champagne va réchauffer si les deux finalistes ne se décident pas !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 3 joueurs – Moyenne 6950k
Enorme coup entre Didier Logghe et Ludovic Soleau, le premier allant sortir le second en deux coups de suite.
Le coup principal, celui qui déstacke Soleau et le laisse avec une toute petite blind, se déroule d’une façon bien étrange. Fatigue ou méconnaissance des règles, Didier de petite blind, annonce « relance » en poussant la mise initiale qu’avait posé Ludovic au bouton, soit un min-raise. Sofian en BB s’échappe du coup et après intervention rapide et efficace du floor, on n’autorise à Didier qu’une min relance, ce que s’empresse de compléter Ludovic.
Flop QJ4. All-in de Ludovic et insta call de Logghe, avec QQ pour brelan max floppé. Ludovic retourne les As, meurtris, et rien ne vient l’aider. Après avoir payé les 4420k du tapis adverse, il ne lui reste que 450k, soit à peine une BB, qu’il perdra le coup suivant contre le même adversaire.
Ludovic Soleau sort donc à la troisième place, pour un joli gain de 15720€ !