Hier, dans le froid climatisé d’une Amazon Room désertée, Scotty Nguyen avait rendez-vous, une fois de plus, avec l’histoire du poker. Le champion du monde 1998, déjà titulaire de cinq bracelets, n’avait plus qu’à franchir un dernier obstacle après avoir largement contribué à l’élimination en troisième position de Phil Ivey lors de ce tournoi de PLO-8 à 5000$. Mais son adversaire du jour, Joe Cassidy, ne l’entendait pas de cette oreille là : assis à la table télévisée, mais sans caméras pour filmer cette variante décidément pas assez médiatique, ce sérial-perfeur du circuit américain depuis près de 10 ans ne comptait pas laisser Nguyen s’emparer d’un bracelet plus symbolique que réellement lucratif ; avec moins de 300 000$ à la gagne et 200 000$ au second, le différentiel ne signifiait certainement pas grand chose pour un Nguyen qu’on imagine forcément ruiné.
Cela fait près de 20 ans que Scotty est sur le circuit du poker, et celui qui s’est fait appeler « Le Prince du poker » ou « Le Prince Noir » n’est plus qu’une caricature de lui-même : habits voyants auxquels il ne semble même plus croire depuis une décennie, tics langagiers envahissants (son « Baby », à tout bout de champ, qui sature ses phrases, mécanique mal huilée), cohorte de fans limitée à deux backers hier après-midi et deux vieux railbirds de Vegas, bière mexicaine (Dos Equis ou Corona, au choix) toujours à portée de main. Nguyen avait pourtant réussi à choquer le monde trop policé du poker il y a quelques années lors de sa finale (remportée) du H.O.R.S.E. 50 000$ : totalement ivre, il s’était livré à un exercice de style digne des grands alcooliques, de Bukowski à Gainsbourg, tour à tour abject, colérique, doux, touchant et tout simplement au bord du gouffre. Tout cela devant les caméras d’ESPN la puritaine, pour une victoire que beaucoup avaient jugée « honteuse » dans la forme mais dans le fond.
Car derrière le déguisement d’ivrogne qu’il endosse au quotidien, Nguyen reste toujours un joueur doté d’un extrême talent. Chaque année, il arrive à briller ainsi dans des variantes autres que le Hold’Em, revenant épisodiquement au devant de la scène, boitillant toujours un peu plus et laissant des cadavres de bouteilles de bière dans son sillage. Hier, le seul pro qui avait fait le déplacement pour le heads-up final n’était autre qu’Erik Seidel. L’exact négatif de Nguyen : Seidel est poli, brillant mais totalement invisible médiatiquement, pondéré et discret. « Il joue bien », me confiait-il à la première pause, « mais il n’a pas de profondeur, ça va se jouer sur deux ou trois pots. Les blindes sont trop hautes pour pouvoir faire quelque chose, ce sont les cartes qui vont parler, et Joe ne se laissera pas faire aussi facilement. »
Pour Nguyen, gagner un sixième bracelet, c’est aussi assurer une certaine survie symbolique, mettre à nouveau les projecteurs sur son personnage. Lui qui squatte le haut des classements de la All Time Money List n’est plus depuis bien longtemps ce « prince du poker » flamboyant. Ces dernières années, depuis sa victoire lors du H.O.R.S.E. en 2008 et les 2 000 000$ qui allaient avec, Nguyen n’a pas fait une grosse performance, frôlant les tables finales sans jamais entrer dans les meilleures places payées. Son palmarès 2009-2011 traduit assez fidèlement ce qu’est la vie d’une légende qui ne produit plus que du mythe : tournois à 200$ en Australie, passages télévisés contre quelques milliers de dollars, places payées dans des 500$ PLO à Las Vegas, apparitions financées par des backers dans des variantes PLO ou Stud, majoritairement en Hi-Lo, lors des WSOP. Hier, lorsque la dernière carte a scellé son sort et que de maigres applaudissements ont accueilli la victoire sans passion de Joe Cassidy, Nguyen a donné un billet d’1$ au serveur venu lui amener une nouvelle bière, a serré la main du vainqueur puis s’est dirigé vers son « rail » clairsemé. Celui qui le félicite le plus longuement le suivra à quelques mètres pendant les minutes à venir, sur le chemin menant à la cage des payouts : un bon backer récupère l’argent à sa source. Et la légende de Scotty, un peu plus écornée, affadie par le temps, pourra vivre dans l’illusion qu’elle ne mourra presque jamais.
Le heads-up aura finalement été assez rapide malgré un retour de suspens dans un match qu’on pensait à sens unique après le KO de Sofian dès le début de la finale.
Didier Logghe se sera bien battu mais s’incline au final avec Valet Sept contre la paire de Huit à l’issue d’un board : 6 7 K 2 4
Belle victoire pour Sofian, qui empoche un chèque de 35230€, tandis que Didier repart avec un gain de 23350€.
Place désormais au champagne et à la photo officielle pour célébrer le vainqueur du BPT Toulouse 2018.
Assis devant une tonne, Sofian remporte le trophée du BPT Toulouse 2018, en costaud !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 2 joueurs – Moyenne : 10425k
Le heads-up commence très fort par un double-up de Sofian, qui arrive à doubler avec As Six contre les Dames, une nouvelle fois, chez Didier. Le 6 au flop puis l’As turn et Didier doit se délester de 9025k, le montant du tapis adverse. Pour la plus grande joie du clan de Sofian, resté en nombre malgré l’heure tardive.
Puis Didier relance la machine et enchaîne deux double ups de suite pour revenir à niveau !
Ce heads-up commence très fort, en mode montagne russe.
Le champagne va réchauffer si les deux finalistes ne se décident pas !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 3 joueurs – Moyenne 6950k
Enorme coup entre Didier Logghe et Ludovic Soleau, le premier allant sortir le second en deux coups de suite.
Le coup principal, celui qui déstacke Soleau et le laisse avec une toute petite blind, se déroule d’une façon bien étrange. Fatigue ou méconnaissance des règles, Didier de petite blind, annonce « relance » en poussant la mise initiale qu’avait posé Ludovic au bouton, soit un min-raise. Sofian en BB s’échappe du coup et après intervention rapide et efficace du floor, on n’autorise à Didier qu’une min relance, ce que s’empresse de compléter Ludovic.
Flop QJ4. All-in de Ludovic et insta call de Logghe, avec QQ pour brelan max floppé. Ludovic retourne les As, meurtris, et rien ne vient l’aider. Après avoir payé les 4420k du tapis adverse, il ne lui reste que 450k, soit à peine une BB, qu’il perdra le coup suivant contre le même adversaire.
Ludovic Soleau sort donc à la troisième place, pour un joli gain de 15720€ !