Ce week-end, comme tous les derniers de chaque mois, avait lieu le tournoi Deepstack du Cercle Wagram au buy-in de 1000€. 97 joueurs ont répondu présent à ce rendez-vous et parmi eux, environ une soixantaine de qualifiés via des tournois réguliers, quelques réguliers des cercles parisiens (Suat Uyanik, Mercedes Osti, Rodolphe Dethiere, Alain Goldberg, Eric Qu) mais également de nombreux pros (malgré le succès du WPT de Vienne qui se déroule en même temps) comme Lucille Cailly, Mylène Cogan, Stéphane Tayar ou Nicolas Dervaux. La Team PokerXtrem était représentée par Franck Kalfon et Stéphane Bénadiba, Full Tilt par Jean Paul Pasqualini mais c’est la Team Eurosport qui était la plus visible puisqu’il y avait quatre joueurs sur ses six pros : Basil Yaïche, Clément Thumy, Flavien Guenan et Peter Roze (Poker Pro Factory).
Si le Day 1 a vu l’élimination de Nicolas Dervaux, Franck Kalfon, Mercedes Osti ou encore Suat Uyanik, le haut du chipcount a en revanche été trusté par Damien Cayet, Ali Mekhtoub, Flavien Guenan et Mylène Cogan. Clément Thumy, Yalap Sapanis et Lucille Cailly se sont quant à eux positionnés en embuscade pour le Day 2. Le sosie de Sylvester Stallone (photo) faisait également partie des 32 joueurs à s’y qualifier !
Dès le début de cette journée, Lucille Cailly, Flavien Guenan et Damien Cayet ont su jouer de leur agressivité pour réduire le field à une vitesse incroyable et ainsi s’assurer les places payées. De leurs côtés, Jean Paul Pasqualini et Basou ont dû leur survie à leur talent et leur expérience sans jamais avoir eu de stack exploitable.
A 3 tables du terme, le jeu s’est relativement calmé et on a pu assister à beaucoup de « push or fold », mais au flop et non préflop. Un petit jeu auquel Marc Isman, Yalap Sapanis ou Ali Mekhtoub se sont bien débrouillés mais qui a malheureusement été fatal à Alain Goldberg ou Mylène Cogan.
La table finale, synonyme d’ITM, s’est ensuite très vite dessinée. Eurosport a fait carton quasi-plein puisqu’on y retrouvait trois de ses quatre représentants : Basou, Clément Thumy et Flavien Guenan qui était alors chipleader. Toujours parmi les pros, Lucille Cailly était elle aussi bien au-dessus la moyenne, à l’instar de Jean Paul Pasqualini qui accusait toujours un léger retard au chipcount.
Malgré une finale extrêmement prudente, voire même trop lente, Damien Cayet sortira Yalap Sapanis à la 10ème place avec [ax] [tx] > [kx] [8x] , puis Basou éliminera Marc Isman avec [ax] [5x] > [ax] [4x] .
Card dead toute la journée, c’est justement Basou qui finira en 8ème position, busté par Damien Cayet avec [ax] [5x] > [jx] [8x]. Lucille Cailly s’assurera le podium en prenant l’intégralité du stack de Rodolphe Dethiere qui quitte le tournoi 7ème avec [ax] [jx] < [ax] [qx] . Flavien Guenan, dont c’est le premier tournoi live sous ses nouvelles couleurs d’Eurosport, s’offrira le scalp d’Ali Mekhtoub à la 6ème place avec [kx] [kx] > [ax] [6x] . Jean Paul Pasqualini se retrouvera une première fois à tapis avec [tx] [tx] qui le fera doubler contre [ax] [kx] pour Clément Thumy mais la seconde lui sera fatale avec [9x] [9x] trop juste contre [qx] [qx] pour Clément.
A 4 joueurs left, un deal accélérera grandement la cadence et l’avance prise par Lucille Cailly lui suffira pour remporter le tournoi devant Flavien Guenan, Clément Thumy et Damien Cayet. Lucille déclarera être ravie de réaliser un tel résultat, surtout après cette année sponsorisée sans avoir réussi l’ombre d’une performance.
Alors que le Day 1A s’apprête à accueillir, en mode turbo, un Day 1b qui débute chaque jour à 18h, les busto ou les joueurs trop en retard qui veulent une compétition ne s’étalant pas sur trop de journées, se pressent déjà pour le « Battle Royale », un 750€ qui débute à 17h30, avec des ITM qui se reverront en Day 2 pour toucher le « vrai » argent. Déjà 50 inscrits, et au vu des tables où les croupier se sont déjà installés, il semble que le field devrait au moins doubler dans l’heure à venir.
Au programme, 1 seul re-entry possible, des niveaux de 25 minutes et un bounty à 300€. Bruno Fitoussi, qu’on a aperçu de loin en grande discussion avec Apo Chantzis et François Lascourrèges, les deux hommes-lige à la marque Texapoker, devrait être de cette compétition : l’ambassadeur de la marque a dû renoncer au dernier moment à jouer le Main Event qu’il convoitait car il aurait été pris par un rendez-vous immanquable en éventuel Day 2…
Le poker est une course de fond, mais au rythme assez soutenu des niveaux d’une demie heure proposés par ce Day 1A —à l’heure où nous écrivons ces lignes, sur un tapis de départ, on est déjà à mi-parcours du 600/1200/1200—, les éliminations se succèdent à un train de sénateur (lentement, donc, mais sûrement). Pierre Calamusa, le deuxième pro Winamax à avoir fait son apparition dans la grande salle du parc des Expos de la porte de Versailles, a amené un peu de chaleur et de vie avec lui, déclenchant les selfies des qualifiés et autres joueurs ayant fait le déplacement.
En parallèle, des satellites s’organisent à l’entrée de la salle de tournoi, sous l’oeil affûté d’Apo Chantzis, l’homme derrière la saga fabuleuse de Texapoker, devenu en quelques années le grand acteur incontournable du poker live en France. Ses équipes sont en place, les croupiers de toutes nationalités enchaînent avec dextérité les mains, tandis que les Tournament Director et autres responsables assurent des jugements de Salomon lors des rares protestations. Au menu des satellites, un format peu connu —en tout cas, pas chez nous— qui accélère le jeu : une fois atteint un tapis de 120 000 jetons (sur un tapis de départ de 20 000 jetons), vous décrochez automatiquement vos buy-in pour la finale, au jour désiré. Le gamble va bon train, avec des levels de 10 minutes, mais tout semble désormais possible, avec seulement 105€ en poche. Le rêve, toujours, à portée de jetons.
Les années passent, les passions se déplacent. Il y a quelques années encore, se diriger vers l’autre bout de Paris (quand on habite rive droite) au beau milieu du mois de mars était synonyme d’un voyage quotidien, durant une petite semaine, vers le Salon du Livre qui avait lieu au mêmes dates que cette grande finale du Winamax Poker Tour, au même endroit —dans l’un des grands pavillons de la Porte de Versailles.
En arrivant ce matin sous la chape nuageuse qui obscurcit ce quartier sans grand charme du deep south parisien, les souvenirs reviennent : l’effervescence des signatures d’écrivains régionaux qui attendent le chaland désespérément, les files d’attentes interminables devant les quelques rares stars de l’édition, les stands thématiques qui rappellent plus le salon de l’agriculture que la décadence germano-pratine, les open bar mouvants des soirées de vernissage, les réserves de livres qui s’agitent frénétiquement au rythme des aventures sexuelles des différentes parties en présence, les haines pichrocolines entre éditeurs, les rumeurs de rachat entre géants de l’édition pré-Bolloré (Editis, Hachette, Gallimard), et les reportages cultes qui y sont tournés (« L’édition c’est pas de la littérature », meilleur Strip Teasejamais proposé sur la question, à découvrir gratuitement ici).
Cette année, c’est le poker qui a pris place, parmi d’autres, dans l’un des grands pavillons de cette gigantesque place tournante qu’est la porte de Versailles et ses salons à tous les étages. Au-dessus, une exposition Johnny Haliday, dans deux jours, un championnat de France du sushi, en attendant le « Salon des seniors », le « Sandwich & snack show » ou le plus populaire « Comic Con », fin du mois. Les passions s’additionnent, se superposent, cohabitent le plus naturellement possible.
Avec le temps, la littérature poker, elle, a quasiment disparu. Fut une époque où chaque grand champion offrait son propre livre au joueur qui le bustait des WSOP. Alors que les grandes théories du jeu avaient été popularisées par ce medium —Super System de Doyle Brunson en tête—, et que chaque joueur sponsorisé rêvait d’avoir son nom en couverture d’une biographie ou d’un livre de stratégie (Isabelle Mercier, Patrick Bruel, les collections de François Montmirel —pour les francophones), la mode est passée. « Un livre, mais pour quoi faire ? » répondait un grinder américain à une intervieweuse aux WSOP qui s’enquérait quant au jour où il sortirait sa méthode. Désormais, le passage de témoin se fait par les tutos vidéos, les streaming sur twitch et, de plus en plus rarement, sur des blogs éditorialisés pour l’occasion.
Si les écrits restent, la parole, elle, circule. Elle s’accommode des changements et des évolutions stratégiques, permet de réviser ses erreurs et les nier, autorise tout un chacun à ne pas passer pour le ringard de service. Seuls les récits épiques du jeu parviennent encore à trouver matière à réédition, avec un public de plus en plus restreint. Mais sans story telling, sans grand souffle, le poker arrivera-t-il encore à subsister dans l’histoire et écrire ainsi son grand roman?