Pour la première fois depuis sa création, l’European Poker Tour de Deauville, sponsorisé par Pokerstars.fr et accueilli au sein du luxueux groupe Barrière, avait quitté, le temps de ses premiers jours, la majestueuse salle des ambassadeurs du casino de Deauville. Il faut dire que le field était proprement gigantesque, non loin de 1000 participants et des side-events à foison. Au terme de cette très belle semaine de poker, une seule certitude : le choc des générations entre les grinders du online et les gambleurs du live a encore de beaux jours devant lui… Reportage.
Par Jérôme Schmidt
Avec 891 joueurs au compteur au terme du Day 1B, l’European Poker Tour de Deauville annonçait déjà comme un grand cru. Disposés dans la salle aux couleurs aquatiques du CID, les joueurs ont pu disposer des meilleures conditions possibles pour batailler pendant les six jours du tournois : de la place entre les tables, un service disponible et une structure EPT qui a déjà fait ses preuves à de nombreuses reprises…
Pour le poker hexagonal, c’était également le premier grand événement médiatique « grand public » depuis l’ouverture du marché en 2010, et l’apparition des rooms online, très actives depuis l’automne. Entre les logos floqués sur les murs de la salle (BarrièrePoker.fr, donc, et bien évidemment, Pokerstars.fr) et ceux accolés aux chemises, sweatshirts, casquettes, chapeaux, robes, des joueuses et des joueurs, l’élégante salle normande a parfois pris des airs de salon professionnel. Car, au-delà du public de passionnés, tous les médias étaient présents, et, en coulisse, directeurs de la communication, attachés de presse, sponsors et joueurs bataillaient ferme pour la meilleure visibilité, le rachat de contrats ou la prochaine campagne publicitaire.
Un field presque irréprochable
La qualité des joueurs qui s’inscrivent chaque année à Deauville n’est plus à prouver. Et l’ouverture du marché hexagonal aura attiré quelques sharks en mal de joueurs inexpérimentés à plumer… Lors des premiers Day 1A et Day 1B, le niveau de jeu était très hétéroclite avec une forte population locale (ou issue des cercles parisiens), des qualifiés online par brassées et un contingent pro / semi-pro français venu en intégralité (à l’exception de David Benyamine, curieusement absent). Parmi les grandes stars internationales, PokerStars.fr avait bien fait les choses en invitant Jonathan Duhamel, le champion du monde WSOP en titre, qui constitue un formidable atout commercial pour notre marché puisqu’il est québécois et parle couramment français. Côté Canada, mais anglophone, Daniel Negreanu était de la partie. Ou, pour être plus précis, a fait une apparition remarquée dans les couloirs luxueux de l’hôtel Normandy, a passé sa nuit à se plaindre par Twitter interposé d’avoir été mis dans un tel bouge (il aurait préféré, affirme-t-il, une chambre moderne dans un motel), avant de gaspiller ses jetons en baillant à moitié à table. Au bout de quatre heures de ce régime, passage par la case check-out au comptoir de l’hôtel (il avait été, entre-temps, rapatrié à l’hôtel Royal, autre joyau 5 étoiles du groupe Barrière, dans une suite gigantesque) et retour expresso incognito dans la civilisation moderne du Nevada. Un passage en terre normande qui n’aura pas spécialement contribué à la popularité de ce joueur pourtant adulé par les foules.
Les Français en masse
Très vite, le contingent des joueurs étrangers a fondu sur place. Malgré des journées courtes – nouvelle tendance dans les grands événements, puisque même les WSOP de cet été ont adopté des journées à 10 niveaux – qui se sont finies à l’heure du dîner, les overbets sont légion dans cette structure très deep. Les joueurs de casinos et de cercles de jeux ne se sont même guère fait remarquer, par rapport aux éditions précédentes, si ce n’est l’habituel show de Michael « Fratty » Fratton, auteur de quelques saillies tonitruantes contre de pauvres joueurs étrangers totalement consternés par l’hystérie du personnage. Il sera d’ailleurs sanctionné pendant un tour complet de table lors du Day 2 après avoir hurlé rageusement à l’encontre d’un joueur suédois à qui il venait… de prendre la moitié de son tapis… La bulle explose quant à elle assez rapidement en Day 3, notamment grâce à la structure de paye du tournoi, assez lente. Derrière, par contre, les shortstacks prennent tous les risques. Un joueur italien, par ailleurs finaliste au WPT National Series Diamond quelques semaines plus tard, réussit l’exploit de finir dans l’argent en ayant survécu à la bulle avec moins d’un ante !
Anthony Hnatow fait le ménage
Le jeune joueur sponsorisé par EurosportBet.fr, Anthony Hnatow, fait quant à lui le show dans son coin, toujours dans les gros coups et bustant plus de 4 joueurs en moins de deux heures. Sa montagne de jetons est énorme, il est en confiance, passe absolument tous ses coinflips. « Il marche sur l’eau », résume Fabrice Soulier qui l’observe à sa table dans les dernières minutes du Day 4. À quatre tables restantes, on observe pourtant encore des coups étrangement joués, comme ce tapis payé de Bruno Launais pré-flop avec un as-2, entre deux gros stacks. Si Launais était « en carnaval », le call de l’amateur français laisse dubitatif les autres joueurs à table… Car, à Deauville, même dans les niveaux les plus avancés du tournoi, les moves fishy sont encore légion, et il est parfois difficile de jouer ses adversaires comme dans un field de vrais pros… Fabrice Soulier, quant à lui, entame sa rentrée 2011 en grande forme, puisqu’il se qualifie pour le Day 5 et ses demi-finales, short-stack mais bien vivant. Pendant tout le tournoi, il ne se retrouve à tapis qu’à une seule reprise jusqu’à la fin du Day 4 et profite de la faiblesse du field pour agresser sans relâcher la pression. Aux demi- finales, l’ultra-chipleader est le Canadien Alex Wice, inconnu au bataillon mais habitué des gros cash-games en ligne et généreux donateur de pourboires de 500€ au mendiant qui officie en bas du casino.
Demi-finales express
Si les nombreux observateurs s’attendaient à un très long Day 5, leurs prédictions se sont avérées totalement erronées. Car même si la première heure de jeu a été très statique, les éliminations se sont brusquement enchaînées entre les 24 joueurs restants. La première victime est Émile Petit, victime d’une classique confrontation rois contre les as, qui met un terme à tout l’espoir du qualifié PMU.fr. Il est très vite suivi par quatre autres joueurs, qui sautent en une dizaine de minutes, jusqu’à la sortie, en 18e position, de Fabrice Soulier. Le pro français et chéri du public garde un goût amer de son élimination, puisqu’il pousse son tapis en position avec as- valet, une vingtaine de blinds environ, payé par son coéquipier d’Everest, Julien Claudepierre, qui possède une simple paire de 2 en main. Ce dernier joue, au mieux, un coinflip et n’a guère plus de tapis que Soulier… Sur ce call étrange, la belle aventure de Fabrice lors de cet EPT s’achève prématurément ; il ira se « venger » en finissant 2e d’un side-event Omaha le soir même… Derrière lui, cinq éliminations surviennent en trois quarts d’heure, dont le runner-up d’Amnéville, Franck Pepe, auteur d’un nouveau beau tournoi, malgré son style de jeu assez loose qui laisse beaucoup de place à la variance. À 18h, les huit finalistes sont déterminés, au grand dam du bubble boy de la table finale, Laurent Polito, qui repart pour la peine avec 50 000 €.
Lucien Cohen, vainqueur surprise
Si le lendemain, Martin Jacobson part large chipleader avec 7 millions de jetons, juste devant Alex Wice (6,2 millions) et Kenny Hallaert (3,5 millions), ce sera finalement un des Français qu’on attendait le moins qui va faire le show. Lucien Cohen, accompagné de son « rat en plastique » fétiche affec- tueusement surnommé « Youki Luciano », en fait voir de toutes les couleurs à ses adversaires, et développe un jeu serré agressif de très bonne facture. Il commence par prendre 500.000 à Jacobson avec une couleur floppée et se hisse en troisième position de jetons. Le Suédois s’écroule totalement en perdant le plus gros pot du tournoi contre Wice, en foldant un brelan floppé de 10 contre une quinte touchée par Wice à la river… Le jeune Canadien semble intouchable avec désormais plus de 10 millions de jetons et en profite pour éliminer en 7e place Hnatow, trop loose pour cette finale. Juste derrière, après que le joueur letton de la finale ait touché une quinte flush royale, Cohen double sur Wice, qui part à tapis avec couleur max au turn contre le full du dératiseur français… Julien Claudepierre, peu actif pendant la finale, arrive à se hisser en quatrième place, éliminé par Wice. Désormais, Jacobson, Cohen et Wice ont le même tapis, autour de 9 millions de jetons et vont devoir batailler dur… Wice craque un peu au bout d’une heure de ce trio infernal et envoie son tapis pré-flop après une bataille de relance contre Cohen, avec as-dame de carreau, payé dans la seconde par les dames de Lucien Cohen. Le Canadien ne trouve pas d’as miracle et propulse Cohen en haut du classement, à 17 millions de jetons. Il en profite pour littéralement étouffer son adversaire et lui grignote son stack à vitesse grand V. En à peine une heure, Cohen remporte son premier titre de poker, et peut exploser de joie : «C’est incroyable ! C’est le plus beau jour de ma vie après mon mariage et la naissance de mes enfants. Ce tournoi a été une vraie lutte, je me suis retrouvé de nombreuses fois à tapis mais j’ai survécu. Du coup on m’a surnommé le Phénix Dératisateur à cause de ma profession (il travaille dans une compagnie de dératisation). Puis j’ai réussi à atteindre la finale où j’avais des adversaires et où il a fallu se battre. Par contre en HU j’ai dominé mon adversaire, il ne pouvait pas voir le jour…»
Jonathan Duhamel, roi du high-roller En parallèle du Main Event, le tournoi high-roller a débuté le dimanche, avec près d’une soixantaine de participants. Au menu, comme toujours dans ces tournois onéreux, de nombreux pros et quelques hommes d’affaires égarés. À la table de Bruno Fitoussi, un joueur français inconnu multiplie ainsi les moves aberrants, tandis qu’un milliardaire russe fait le show pendant un niveau à la table de Stéphane Albertini, avant de gâcher ses jetons en moins d’une heure… À une autre table, c’est le fantasque Jean-Noël Thorel qui rend fou ses adversaires, chipleader depuis le premier niveau et toujours friand de moves incompréhensibles par le commun des mortels… Il échoue finalement en place payée, à la quatrième position : Thorel fait une ouverture standard au bouton et Duhamel complète en BB. Flop 4-dame-2 et tout le monde checke. La turn tombe : dame. Duhamel checke et Thorel envoie son (gros) tapis pour 250.000… Le champion du monde paye dans la seconde avec brelan de dames, tandis que Thorel est en carnaval complet avec… as-6 ! Cette donation incroyable propulse Duhamel en tête : «Je guettais depuis longtemps ce joueur [Thorel, ndlr] car je sentais qu’il allait pouvoir craquer et faire le move de trop… J’ai eu de la chance, c’est tombé sur moi !», résume ainsi Jonathan Duhamel en riant encore deux semaines après du coup fumeux qu’il a fait au Français. «Pendant toute la semaine passée à Deauville, j’ai découvert les joueurs européens et français, qui peuvent être beaucoup plus imprévisibles que les Anglo-Saxons. J’ai dû resserrer mon jeu, notamment en cash-game, pour pouvoir profiter de leurs erreurs. Ils sont très créatifs mais parfois trop, donc il suffit d’être patient !».
Très vite, Duhamel se retrouve en tête à tête avec Alain Confino, un habitué des belles parties de cash-game du Cercle Gaillon et de l’Aviation Club de France : «Alain Confino était beaucoup plus dur à jouer que les autres Français que j’ai affrontés au high-roller. J’ai même eu du mal à le manœuvrer à un moment, car on jouait énormément de petits pots, ce qui n’est pas très intéressant de mon côté, car j’avais trois fois plus de jetons que lui… Je voulais le pousser dans des gros pots, pour qu’il fasse des erreurs», résume Duhamel. Du côté de Confino, même discours, au micro de nos confrères de Prizepool : «Je suis lentement passé à 300.000 jetons alors qu’il en détenait 1.150.000. Ça sentait vraiment le roussi mais j’ai alors réussi à redresser la barre en lui passant un énorme bluff en check-raise all-in à la river sur un board relativement dangereux. Je savais qu’il serait très prudent et y regarderait à deux fois avant de me relancer dans la partie en me doublant alors que je glissais lentement vers l’asphyxie. Je voulais juste tenter ce genre de move si je me retrouvais vraiment dos au mur mais avec encore un peu de fold equity. Ça a bien marché puis j’ai touché quelques flops et je suis petit à petit revenu en gagnant pas mal de mains et en les mixant avec un peu plus d’agressivité situationelle. Je me suis alors retrouvé à 610.000 jetons face à ses 840.000 jetons. C’était une autre partie qui commençait…» Mais la vista du champion du monde WSOP 2010 en a décidé autrement : «J’ai eu de la chance, car j’ai eu un set-up parfait, avec as-roi en mains contre son as-valet. Je pense qu’il l’a un peu surjoué, mais cela faisait longtemps qu’on se cherchait, et j’aurais pu avoir une main inférieure à la sienne, comme un as-10 ou un roi-dame… C’est arrivé au bon moment car la finale commençait à durer et qu’il était remonté à un bon stack», confie Jonathan Duhamel, qui remporte finalement la compétition et les 200.000€. Il repart en tout cas de Normandie avec de très bons souvenirs : «Venir en France m’a énormément fait plaisir. Je parle votre langue, et c’est beaucoup plus simple pour socialiser avec tout le monde. Il y avait beaucoup de fans, de super soirées avec tous les autres joueurs, et une ambiance vraiment géniale, un hôtel luxueux, la mer ! C’est l’intérêt d’être ambassadeur d’un site comme PokerStars, cela permet de voyager énormément et de montrer que le poker est ma véritable passion. Je ne suis pas prêt de l’abandonner !»
Le heads-up aura finalement été assez rapide malgré un retour de suspens dans un match qu’on pensait à sens unique après le KO de Sofian dès le début de la finale.
Didier Logghe se sera bien battu mais s’incline au final avec Valet Sept contre la paire de Huit à l’issue d’un board : 6 7 K 2 4
Belle victoire pour Sofian, qui empoche un chèque de 35230€, tandis que Didier repart avec un gain de 23350€.
Place désormais au champagne et à la photo officielle pour célébrer le vainqueur du BPT Toulouse 2018.
Assis devant une tonne, Sofian remporte le trophée du BPT Toulouse 2018, en costaud !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 2 joueurs – Moyenne : 10425k
Le heads-up commence très fort par un double-up de Sofian, qui arrive à doubler avec As Six contre les Dames, une nouvelle fois, chez Didier. Le 6 au flop puis l’As turn et Didier doit se délester de 9025k, le montant du tapis adverse. Pour la plus grande joie du clan de Sofian, resté en nombre malgré l’heure tardive.
Puis Didier relance la machine et enchaîne deux double ups de suite pour revenir à niveau !
Ce heads-up commence très fort, en mode montagne russe.
Le champagne va réchauffer si les deux finalistes ne se décident pas !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 3 joueurs – Moyenne 6950k
Enorme coup entre Didier Logghe et Ludovic Soleau, le premier allant sortir le second en deux coups de suite.
Le coup principal, celui qui déstacke Soleau et le laisse avec une toute petite blind, se déroule d’une façon bien étrange. Fatigue ou méconnaissance des règles, Didier de petite blind, annonce « relance » en poussant la mise initiale qu’avait posé Ludovic au bouton, soit un min-raise. Sofian en BB s’échappe du coup et après intervention rapide et efficace du floor, on n’autorise à Didier qu’une min relance, ce que s’empresse de compléter Ludovic.
Flop QJ4. All-in de Ludovic et insta call de Logghe, avec QQ pour brelan max floppé. Ludovic retourne les As, meurtris, et rien ne vient l’aider. Après avoir payé les 4420k du tapis adverse, il ne lui reste que 450k, soit à peine une BB, qu’il perdra le coup suivant contre le même adversaire.
Ludovic Soleau sort donc à la troisième place, pour un joli gain de 15720€ !