A la pause dîner du troisième jour du Poker Players Championship, deux Français sont encore en course. Antony Lellouche, du Team Winamax, a déjà été au mieux dans le tournoi, mais il reste concentré. Légèrement fatigué —le moindre écart de nutrition se paye cash, avec les intérêts, dans les couloirs sur-climatisés du Casino Rio où l’on sert à des prix d’or de la nourriture grasse et écœurante à tout va—, Antony passe un mauvais moment, avec l’envie d’être ailleurs. Mais ce tournoi à 50 000$, il l’a attendu tout l’été, et depuis plus longtemps sûrement puisque c’est sa première participation. Le Français en a largement le niveau et les ambitions, mais chaque table est dure, avec très peu d’erreurs et des coups de Limit qui coûtent cher, très cher.
A quelques mètres de lui, Bruno Fitoussi défend les couleurs d’ACFPoker.fr. Il a passé une demie journée en eaux relativement calme. A 14h, il confiait vouloir atteindre le million en fin de journée, si la bulle était proche, afin d’aborder les places payées en position confortable. Mais si le rythme des éliminations s’est ralenti, le tapis de Bruno a monté progressivement, par paliers de 50 000 à 100 000 jetons, redescendant parfois d’un cran, pour mieux repartir vers le haut. A 19h30, il a devant lui plus de 700 000 jetons.
Encore essoufflé par la course inhérente à la relative brièveté de la pause dîner (1 heure, pour un tournoi à 50 000$, dans un casino où le moindre déplacement prend 10 minutes au moins), il est conscient de la bonne position dans laquelle il est. Deuxième ou troisième en jetons, il sait également que le vent peut tourner vite : « chaque coup te coûte 100 000 jetons minimum en Limit, et pour peu que tu ailles jusqu’au bout… » Bien évidemment, Bruno a une table difficile. Mais quelle table est facile à jouer dans un tournoi de ce niveau ? « Le problème, ce sont des types comme Alaei, Hennigan ou Mizrachi. Avec eux, tu ne sais jamais où te situer. Tu commences par coucher des mains plutôt bonnes, et puis tu les prends en flagrant délit de vol ou de tirage quelques coups après… » S’il a Ivey à sa droite, Hennigan est situé à seulement deux sièges de Bruno Fitoussi, et Alaei à trois, tous à droite. Un beau « virage » qu’il faut savoir maîtriser. « Alaei paye tout, impossible de lui faire coucher une main. Bet ? Call. Bet ? Call. Et ainsi de suite. Très dur de savoir quelle est la force de sa main. Pour Henningan, c’est différent, il relance juste absolument tout. Bet ? Raise. Bet ? Raise. Avec tout et n’importe quoi, avant le flop, après le flop, etc. » Hennigan, Bruno Fitoussi le connaît bien, même s’il reste très peu connu du grand public. Un gros joueur de cash-game, énorme parieur sportif, qui traîne son short et ses sandales en plastique des millions de dollars en poche. Ivey l’adore et s’esclaffe à tous moment avec lui à table. Un action junkie ? Assurément. « Hennigan, c’est un des plus gros joueurs de cash que je connaisse. Un très bon joueur, mais qui a sauté pendant deux ou trois ans. On ne le voyait plus. Il est revenu cette année, on ne sait pas comment, et il est toujours aussi dingue. » « C’est comme Michael Mizrachi, » enchaîne Bruno, « ces types sont incontrôlables, ils relancent tout sans même parfois regarder leurs cartes, il faut vraiment adapter son jeu. Il a fait un coup de No Limit à Cunningham au Day 1, pour les ¾ de son tapis sur un bluff absolu… Il aurait pu aussi bien sauter, et perdre ses 50 000$ de buy-in au Level 2… »
Est-ce que tous ces joueurs, si craints aux tables, sont-ils pour autant gagnants à terme ? « Le problème n’est pas de savoir si ce sont de bons joueurs », résume Bruno. « A ce niveau, ils sont tous bons et ce qui est certain c’est que contre eux, quand tu joues en ligne, tu n’es pas dans ta zone de confort, ils peuvent te faire dérailler avec eux à tous moments. Donc, rien que de nous faire quitter cette zone de confort, c’est quelque chose de brillant. » Mais les héros du jour sont aussi souvent les perdants du lendemain. Que vaut, à long terme, cette hyper-agressivité ? Cache-t-elle autre chose qu’une maîtrise du jeu ou un ascendant psychologique ? Bien sûr, il y aura toujours un one-outer rivière pour sauver quelques temps encore ces gamblers de l’extrême, comme hier soir Viktor qui joue son tournoi (et le chiplead) sur un tel coup, qu’il remporte. Dans un mixed-games où ont été insérés le No Limit et le Pot Limit sur trois jeux sur huit, la variance entre un peu plus en jeu, dénaturant légèrement l’esprit initial du jeu mixte. A quelques places d’une bulle à 100 000$, les Français visent en tout cas mieux qu’un simple ITM. Pour Bruno, runner-up d’une des premières éditions de ce Poker Players Championship, c’est aussi un retour au plus haut niveau de son poker, après des mois difficiles, minés par ses activités professionnelles et une sortie horrible lors de la demie finale de l’EPT Deauville, en 2010. Mais le temps a passé et lui et Antony Lellouche sont aux portes d’un achèvement, le plus beau bracelet des WSOP.
Le heads-up aura finalement été assez rapide malgré un retour de suspens dans un match qu’on pensait à sens unique après le KO de Sofian dès le début de la finale.
Didier Logghe se sera bien battu mais s’incline au final avec Valet Sept contre la paire de Huit à l’issue d’un board : 6 7 K 2 4
Belle victoire pour Sofian, qui empoche un chèque de 35230€, tandis que Didier repart avec un gain de 23350€.
Place désormais au champagne et à la photo officielle pour célébrer le vainqueur du BPT Toulouse 2018.
Assis devant une tonne, Sofian remporte le trophée du BPT Toulouse 2018, en costaud !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 2 joueurs – Moyenne : 10425k
Le heads-up commence très fort par un double-up de Sofian, qui arrive à doubler avec As Six contre les Dames, une nouvelle fois, chez Didier. Le 6 au flop puis l’As turn et Didier doit se délester de 9025k, le montant du tapis adverse. Pour la plus grande joie du clan de Sofian, resté en nombre malgré l’heure tardive.
Puis Didier relance la machine et enchaîne deux double ups de suite pour revenir à niveau !
Ce heads-up commence très fort, en mode montagne russe.
Le champagne va réchauffer si les deux finalistes ne se décident pas !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 3 joueurs – Moyenne 6950k
Enorme coup entre Didier Logghe et Ludovic Soleau, le premier allant sortir le second en deux coups de suite.
Le coup principal, celui qui déstacke Soleau et le laisse avec une toute petite blind, se déroule d’une façon bien étrange. Fatigue ou méconnaissance des règles, Didier de petite blind, annonce « relance » en poussant la mise initiale qu’avait posé Ludovic au bouton, soit un min-raise. Sofian en BB s’échappe du coup et après intervention rapide et efficace du floor, on n’autorise à Didier qu’une min relance, ce que s’empresse de compléter Ludovic.
Flop QJ4. All-in de Ludovic et insta call de Logghe, avec QQ pour brelan max floppé. Ludovic retourne les As, meurtris, et rien ne vient l’aider. Après avoir payé les 4420k du tapis adverse, il ne lui reste que 450k, soit à peine une BB, qu’il perdra le coup suivant contre le même adversaire.
Ludovic Soleau sort donc à la troisième place, pour un joli gain de 15720€ !