Le but du joueur ? « Devenir riche », vous répondrons en chœur la majorité des aspirants-joueurs. « L’adrénaline », préciserons les adeptes des sensations fortes, les action-junkie qui veulent connaître avant tout les montagnes russes des fortunes qui se font et se défont. « Perdre, pour pouvoir se plaindre », conclurons les plus psychanalystes, directement inspirés par Freud et sa théorie du joueur.
Ce matin, sous le soleil brûlant qui écrase West Flamingo Road, la cohorte des joueurs venus jouer le quinzième Event des WSOP n’en est pas encore à se demander s’ils viennent perdre avec le sourire ou les pleurs leurs 1 500$ quotidiens. Les plus aguerris, ceux qui suivent l’actualité du microcosme poker, regardent amusés l’arrivée d’une silhouette imposante, celle d’un joueur canadien, Jean-Robert Bellande, une figure connue du grand public américain après son passage éclair dans une télé-réalité de dixième zone mais relativement anonyme pour la génération de grinders online. Un action junkie, justement. Un type dont le pseudo twitter n’est autre que « Broke4livin ». Une philosophie de vie résumée en quelques lettres : flamber, et vite ; vivre comme un millionnaire malgré les centaines de milliers de dollars de dettes ; parader dans les nightclubs les plus chers avec une demie douzaine de filles dénudées (et souvent tarifées) après une session perdante dans les salles de cash-game high-stakes de Vegas (Ivey’s Room à l’Aria, et la mythique Bobby’s Room du Bellagio).
Mais ce matin, Bellande a le sourire. Un sourire en coin qui en dit long sur le chemin sinueux que mène ce géant au physique imposant, au regard souvent plein de morgue, mais qui pose un regard souvent ironique et détaché sur lui-même. Broke, lui ? Bien évidemment. Stacké ? Sûrement à plus de 100%. Les poches vides ? Pas si sûr. Car Bellande pousse les deux portes qui mènent à l’enfer climatisé de l’Amazon Room la tête haute : hier soir, au creux de la nuit vegassienne, il a twitté une annonce en guise de défi : « Got a Backer for One Drop ». En français dans le texte : « J’ai trouvé un financier pour le One Drop ». Les pros américains ont vite fait tourner l’information : « Jaw-dropping », dit l’un deux, pour exprimer son étonnement digne des cartoons de Tex Avery. Bellande, cet archétype du railbird de talent, toujours broke, va participer au tournoi le plus cher du monde, à 1 000 000$.
Lorsque les World Series ont annoncé à la rentrée la tenue du One Drop, un événement « caritatif » (on reviendra sur ce terme, puisque sur le million de dollars de buy-in, 11,1% sont reversés à une fondation d’aide d’accès à l’eau pour les pays défavorisés) organisé conjointement avec le multi-milliardaire québécois Guy LaLiberté, la liste des participants était encore bien vide. Quelques milliardaires américains, issus du gambling business ou non, une poignée de joueurs pros souvent ambassadeurs de rooms online, et quelques noms gardés anonymes pour la tranquillité d’esprit (ou judiciaire, diront les esprits les plus critiques) de ceux-çi. Parmi cette dernière catégorie, quelques whales de Las Vegas, comme le Français émigré à Miami, Arnaud Mimran. De la dead money, donc ? Sûrement. Mais à un million de dollars le risque, peu de pros vont y aller full bankroll. Car même si les média donnent parfois l’image ripolinée d’une vie de joueurs pros digne des plus grandes fortunes du monde, rares sont ceux qui ont la bankroll pour risquer autant sur un tournoi. Avec, à la clé, des coinflips à la bulle d’une valeur de plus de 2 000 000$.
Les teams de jeunes joueurs online, dont certains Français, ont pensé mettre 50 000$ chacun de leur bankroll pour stacker le « meilleur d’entre eux », comme le veut l’expression consacrée. Mais est-ce un investissement valable ? Arriveraient-ils à se détacher complètement de la valeur réelle de ces jetons de tournoi lors des décisions difficiles ? Et si les pros n’y allaient pas à reculons, scared-money ? Dans un monde du poker où la lassitude des gains à 6 voire 7 chiffres est presque devenue banale, n’existe-t-il pas encore, comme un retour extrême et final à la réalité, une voix intérieure plus réaliste, celle qui va vous faire déjouer un coup au moment de devoir payer un bluff avec hauteur, de tout jouer sur un tirage max au flop ?
Car à ce jeu de multi-millionnaires (à combien devrait s’établir la bankroll d’un joueur qui pose 1 000 000$ sur la table pour un gros sit’n’go cappé à 48 joueurs ?), on a vu les plus téméraires déjouer. ElkY, à propos de ce tournoi, a lui même dit qu’il fallait avant tout se détacher de l’argent et de sa valeur car autrement, la zone de confort s’évapore, et il ne reste plus qu’une réalité ouateuse, intangible, une sorte de poker dans le brouillard, où l’edge du pro n’est plus que mirage face à la puissance financière des amateurs assis en face d’eux.
Et Bellande, dans tout ça ? Est-ce que cette condition de broke, comme quasi art de vie, serait une solution pour se départir de cette valeur argent ? Cette valeur qu’il a à la fois toujours refusée et recherchée, dédaignée et désirée. Une dialectique qui peut faire des étincelles ou mener à l’implosion. Et son backer ? Quel homme aura mis 1 000 000$ sur un joueur qui traîne sa nonchalance ainsi de poker-room en poker-room, n’hésitant pas à tourner en rond, façon vautour déplumé, afin de trouver quelques âmes charitables pour le stacker, au dernier moment, lors des tournois high-rollers du monde entier ? Voir Bellande remporter un tel tournoi, et la grosse dizaine de millions de dollars qui vont avec, serait sûrement une des plus grandes surprises de l’été, mais cela changerait-il vraiment sa vie, sa trajectoire à jamais brisée ? Car, à force de vendre ses parts, c’est son corps et son âme qu’on met au clou, sorte de viager avant l’âge dont on n’a pas trouvé d’autre porte de sortie que l’arrête de tout. Il y a 14 ans tout juste, Stu Ungar remportait le Main Event des World Series, stacké par le milliardaire et joueur Billy Baxter. Billy était allé le réveiller dans sa chambre du Binion’s et le faisait suivre nuit et jour afin qu’il ne tombe pas dans une montagne de cocaïne pendant ces 5 jours si importants. Le soir de sa victoire, Stu a pris sa part, 500 000$. Il a rapidement dîné avec Baxter, a changé ses jetons en cash, puis est parti seul dans la pénombre de Glitter Gulch, ce quartier interdit de situé au Nord du Downtown. Dix jours plus tard, on retrouvait son corps sans vie avec seulement 130$ en poche à 100 mètres du Binion’s, à l’Oasis Motel, chambre 16.
Le heads-up aura finalement été assez rapide malgré un retour de suspens dans un match qu’on pensait à sens unique après le KO de Sofian dès le début de la finale.
Didier Logghe se sera bien battu mais s’incline au final avec Valet Sept contre la paire de Huit à l’issue d’un board : 6 7 K 2 4
Belle victoire pour Sofian, qui empoche un chèque de 35230€, tandis que Didier repart avec un gain de 23350€.
Place désormais au champagne et à la photo officielle pour célébrer le vainqueur du BPT Toulouse 2018.
Assis devant une tonne, Sofian remporte le trophée du BPT Toulouse 2018, en costaud !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 2 joueurs – Moyenne : 10425k
Le heads-up commence très fort par un double-up de Sofian, qui arrive à doubler avec As Six contre les Dames, une nouvelle fois, chez Didier. Le 6 au flop puis l’As turn et Didier doit se délester de 9025k, le montant du tapis adverse. Pour la plus grande joie du clan de Sofian, resté en nombre malgré l’heure tardive.
Puis Didier relance la machine et enchaîne deux double ups de suite pour revenir à niveau !
Ce heads-up commence très fort, en mode montagne russe.
Le champagne va réchauffer si les deux finalistes ne se décident pas !
Niveau 33 – 150k/300k ante 25k – 3 joueurs – Moyenne 6950k
Enorme coup entre Didier Logghe et Ludovic Soleau, le premier allant sortir le second en deux coups de suite.
Le coup principal, celui qui déstacke Soleau et le laisse avec une toute petite blind, se déroule d’une façon bien étrange. Fatigue ou méconnaissance des règles, Didier de petite blind, annonce « relance » en poussant la mise initiale qu’avait posé Ludovic au bouton, soit un min-raise. Sofian en BB s’échappe du coup et après intervention rapide et efficace du floor, on n’autorise à Didier qu’une min relance, ce que s’empresse de compléter Ludovic.
Flop QJ4. All-in de Ludovic et insta call de Logghe, avec QQ pour brelan max floppé. Ludovic retourne les As, meurtris, et rien ne vient l’aider. Après avoir payé les 4420k du tapis adverse, il ne lui reste que 450k, soit à peine une BB, qu’il perdra le coup suivant contre le même adversaire.
Ludovic Soleau sort donc à la troisième place, pour un joli gain de 15720€ !