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Interviews

Sonny Franco se confie à Poker52 avant la finale du WPT Showdown !

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Le monde du poker live frétille en vue de la reprise qui s’annonce, avec les WSOP en ligne de mire à la fin de l’année. L’événement organisé par le WPT au Seminole Hard Rock représente plus qu’un galop d’essai : avec 2482 participants pour le Showdown à 3500 euros, c’est tout simplement le plus gros WPT de l’histoire. La preuve s’il en est que les joueurs sont prêts à retourner aux tables, même s’il faut porter des masques. Alors que le dénouement du tournoi se profile, le 18 mai à Vegas, avec encore six joueurs en lisse, c’est une figure bien connue des tables françaises qui aborde cette table finale en position de chipleader : Sonny Franco, qui s’était illustré pas plus tard qu’en 2020 avec la victoire du WPTDeepStacks à Paris pour 221000 dollars. Poker52 a pu échanger quelques mots avec lui en attendant ce showdown.

par Michael Verger-Laurent

Sonny, où te trouves-tu actuellement ? Tu es resté aux USA en attendant la finale ?

Je suis à Las Vegas. J’étais à Miami pour le tournoi, dès que ça s’est terminé, j’avais mon vol pour Las Vegas et je vais y rester jusqu’à la finale, le 18 mai. Le programme n’est pas au top en attendant, donc je vais faire trois ou quatre petits tournois, et profiter, avec ma femme et mon fils.

Tu es plutôt un joueur de live, comment as-tu géré cette période covid ?

Au tout début, j’avais commencé sur internet, mais c’est vrai que dès que j’ai monté une bankroll, j’ai joué surtout en live. J’ai rejoué un peu online parce qu’on était obligés, puisqu’il n’y avait quasiment rien. J’ai arrêté complètement pendant neuf mois, je touchais plus à l’ordi, et puis j’ai rejoué il y a un mois, pour les gros tournois GG.

Tu n’aimes pas le jeu en ligne ?

Ce n’est pas que je n’aime pas, c’est surtout que c’est beaucoup plus facile en live. Le online reste bien pour garder le niveau, pour progresser, j’ai des amis qui jouent online, je discute bien avec eux, pour garder la technique, il faut toujours s’y intéresser. Après, c’est simple : tu fais un tournoi à 1000 euros en live, on va être 1000 et je vais être dans les dix meilleurs, alors qu’online, je risque d’être dans les 50 % les plus mauvais. Un tournoi 1000 en live représente le niveau d’un 50 euros online.

Est-ce que le tournoi du Seminole était ton premier gros depuis longtemps ?

Mon dernier grand tournoi, c’était le WPT Paris que j’avais gagné, et après les cercles ont rouvert pendant deux ou trois semaines cet été, j’étais allé un peu au Circus, j’avais fait un petit tournoi à la Grande-Motte. C’est le premier grand tournoi que je fais depuis longtemps.

Ça n’a pas été trop compliqué de partir pour les États-Unis, avec les restrictions ? Comment ça s’est passé sur place ?

Ce n’était pas possible directement de venir de France, il fallait passer quinze jours en dehors du pays, mais comme j’habite au Maroc, ça allait, j’ai pu faire Casablanca-New York, puis New York-Miami, j’avais juste un test PCR à faire. Au niveau du jeu, il y a des plexiglas et des masques, mais c’est très bien, les équipements sont super.

Est-ce que c’est plus compliqué de lire les autres joueurs dans ces conditions ?

Tu vas avoir moins de tells physiques, c’est sûr, par contre, il reste les timing tells, la manière dont quelqu’un va miser ou dont il touche ses jetons. Au final, cela ne change pas grand-chose. C’est vrai qu’on ne voit pas s’il tire la langue ou s’il a la gorge qui tremble.

Est-ce que le fait de jouer le plus gros WPT de l’histoire revêt une importance particulière à tes yeux ?

C’est super, au retour de covid, les gens disaient : les plexiglas, c’est pourri, on n’ira pas jouer, alors qu’en fait c’est un énorme événement avec des masques et du plexiglas. Il y avait beaucoup de monde, tous les jours il y avait une heure de queue pour rentrer dans les tournois, et c’était capé parce qu’ils n’avaient pas assez de personnel. Je pense que s’ils font le WSOP à Vegas, et qu’ils ont le personnel, ça va être le plus gros tournoi de tous les temps.

Si tu venais à gagner, est-ce que cela changerait le type d’événements auxquels tu participes ? Ta gestion de bankroll ? Est-ce que tu as dans l’idée de passer à des Super High Rollers ?

Non, en gros, ça serait bien pour ma bankroll, mais ça ne changerait pas les tournois que je vais jouer. Je joue tous les tournois jusqu’à 5000, les 10000 où il y a du monde, et même si je gagne, j’aime bien jouer là où je sais que j’ai un avantage. Du coup, je n’ai pas envie d’aller faire un 50000 avec que des pros. Après, si une fois, je sais qu’un tournoi est beau, je vais faire un satellite. Là il y avait le 50000 que mon ami Arthur Conan a gagné, on a vu qu’il y avait beaucoup d’amateurs à Miami, donc on a fait un satellite pour y entrer. Mais les tournois entre pros, ça ne m’intéresse pas. Je ne joue pas pour me dire que je suis le meilleur du monde. Je joue pour gagner de l’argent. Après bien sûr, si je gagne le plus gros WPT du monde, c’est historique, je serais le plus heureux du monde, c’est presque comme un bracelet.

Concernant la TF en elle-même, connais-tu bien les joueurs auxquels tu es opposé ? J’imagine qu’il y a déjà un historique si tu as joué pas mal de mains avec certains d’entre eux sur le tournoi ?

Je n’avais jamais joué personne avant ce tournoi. Après, il a duré pas mal de temps et en jouant j’ai pu étudié tout le monde. Je connais à peu près leur niveau, ce qu’ils sont capables de faire, je pense avoir bien cerné tout le monde.

Penses-tu qu’il y a des joueurs dangereux dans le lot ?

Brekstyn Schutten, qui est quasiment à égalité au chiplead avec moi, et Steven Snyder (3ème stack), sont bons, on a bien joué. Ils ont été assez aggros, on s’est bien battus. J’ai deep-run le tournoi avec mon pote Arthur Conan, on partageait une villa en AirBnB ensemble, pendant toutes les pauses on était ensemble, tous les soirs on rentrait à la maison, on était encore dedans, parce que le tournoi a duré quatre jours ; le dernier jour, on est revenu à 21 left, moi j’étais quinzième et lui douzième, et comme on commence à avoir l’habitude des fins de tournois, donc on a opté pour une stratégie simple : dans ce genre de tournois, c’est tout le temps les plus aggros qui vont gagner, parce qu’ils jouent avec la peur des autres qui veulent faire la TF à tout prix et se laissent mourir. Ceux-là en général, ou ils ne font jamais la TF ou ils y arrivent avec 10 blinds. Donc on s’est dit qu’on allait jouer, qu’on allait mettre la pression, quitte à prendre des risques, pour arriver au bout avec un bon stack. Et c’est ce qu’on a fait, et Schutten et Snyder étaient bien chauds eux aussi, on s’est retrouvés dans des coups 4bet et 5bet avec eux, c’était intéressant. Les trois autres, ils se sont plutôt laissé faire par contre, et je pense qu’en finale, vu que les paliers sont gros, ils vont continuer à jouer assez tight.

Donc tu te bats principalement contre deux joueurs ?

C’est ça, on est trois à jouer, les trois autres ne vont pas trop bouger.

Est-ce que le tirage des places t’avantage ?

Non, on a fait un redraw à 8 left et maintenant qu’on est 6 c’est le même, et je n’ai pas de chance, j’ai Schutten à ma gauche. J’ai trouvé qu’il était bon, il comprend bien, même si je crois qu’il n’est pas professionnel, mais il est aussi bon qu’un pro. Il me respecte beaucoup. J’ai discuté avec lui pendant les coups qu’on ne jouait pas, je lui disais : « allez, viens, on joue un gros pot ensemble, on s’en fout », alors que je n’aurais jamais fait ça, c’était pour lui faire croire que j’étais un fou furieux, que j’allais partir à tapis et qu’il ne fallait pas m’embêter, et du coup, j’ai eu de la chance, la finale s’est très bien déroulée : j’ai open 60 % des mains, et il ne m’a jamais 3bet, et du coup à chaque fois que je volais les blinds, mon stock augmentait de 5 à 10 %, c’était dingue. Je vais essayer de continuer comme ça quand je vais arriver, voir comment ça se passe. Si je vois qu’ils continuent à se laisser faire, j’attaquerai, s’il y a un peu plus de résistance, je m’adapterai. Après bien sûr, l’objectif est de faire top 3, sinon je serai déçu, avec le stack que j’ai.

Est-ce que tu restes à Vegas après le tournoi ?

J’ai prévu de rentrer en France fin mai pour y passer un mois de vacances avec ma femme et mon fils.

Et tu reviens faire les WSOP en fin d’année ? Tu feras beaucoup d’events ?

C’est ça. Je fais presque tout, si je viens à Vegas, pendant deux semaines je joue quasiment tous les jours.

Est-ce que tu t’entraînes en attendant ? Tu travailles ton jeu ?

Non, les joueurs qui me connaissent savent que je n’ai jamais vraiment bossé ma technique, même si je pense que je suis ok, parce qu’au final, sans travailler avec les outils, j’ai mes amis, ils font partie du top français, et on discute beaucoup ensemble. Parler avec eux pendant 3 heures tous les soirs, c’est sans doute plus utile que de travailler tout seul de son côté. Quand tu es avec les meilleurs, ça aide vraiment.

Ce n’est pas gênant de tout connaître les uns des autres quand vous vous retrouvez à la même table ?

Pas vraiment. Déjà, ça arrive rarement, et puis on joue normalement, on sait ce que c’est.

Souhaitons bonne chance à Sonny pour la table finale, avec 1261095 dollars à la clé pour le gagnant !

 

 

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[WPO Bratislava] Kool Shen, ambassadeur Winamax à vie

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Troisième sur le podium des joueurs du Team W en terme d’ancienneté (devant lui, Gaelle Baumann et Davidi Kitai), Bruno « Kool Shen » Lopes a intégré l’équipe Winamax en 2012, et a depuis très largement confirmé sa passion absolue pour le poker. Rencontre entre deux bullets au Day 1 du WPO Bratislava.

Comment s’était passée votre décision d’intégrer le Team Winamax, il y a désormais tout juste douze saisons ?

J’étais déjà identifié comme passionné de poker à l’époque, après un passage par PokerStars, puis Poker Leaders, avec le regretté Eric Haïk. Comme ils n’avaient pas décroché de licence auprès de l’ARJEL au moment de la légalisation du poker en ligne, je me suis retrouvé sollicité par Winamax et j’ai tout de suite accepté. J’avais déjà touché pas mal de cartes, en poker fermé, à la cité quand j’étais jeune, et ensuite j’ai découvert le No Limit Hold’Em à la télévision avec Bruel un peu comme tout le monde… Et puis un jour, je suis allé dans un endroit où il y avait un casino, et où il y avait un tournoi ! Je me suis inscrit, et depuis je n’ai pas regardé en arrière. Après on m’a dit « eh, tu sais que tu peux jouer online ? » A l’époque, je ne savais même pas envoyer un email, t’imagines ! J’ai kiffé, et j’ai énormément joué online…

Qu’est-ce que vous apporte le Team W, dans votre évolution de jeu ?

Soit on décide de s’en foutre, et de n’être qu’un joueur récréatif, et on balance les jetons en se disant juste que c’est cool d’être sponsorisé ; soit on prend ça au sérieux, ce qui est mon cas, et on profite d’avoir des top players dans l’équipe pour partager et avancer ensemble. Les séminaires tous les ans, les chats avec les mains expliquées… à chaque fois que tu échanges, tu progresses un peu. Le soir, aux festivals, on debriefe les mains, ca te permet de te remettre en question. Il faut juste de la bonne mémoire ! Eux, les autres joueurs, bossent leur jeu au quotidien, c’est un vrai job ! Moi je profite plutôt de leur expérience et de leur façon de travailler pour avancer à mon rythme, et construire mon propre jeu.

Votre progression a été linéaire, ou s’est faite par paliers ?

Chez moi, c’est lissé car je ne bosse pas assez. C’est comme toujours, dans les sports ou l’art, tu bosses énormément, tu as l’impression que ça n’avance pas et tout à coup, tu as un déclic. Moi, au poker, je n’ai pas ça car je n’y accorde sûrement pas assez de temps. Ca m’embête aussi de ne pas être assez concentré sur le poker, mais c’est vrai que j’ai 58 ans, j’ai une famille, des projets professionnels… Je ne suis pas que fainéant, je fais d’autres trucs aussi ! (rires)

Quelles différentes générations de membres du Team vous ont fait progresser ?

La génération Ludovic Lacay, Antony Lellouche… je ne les ai pas côtoyés longtemps, donc j’ai eu peu d’interactions. Le gros partage, c’est avec Davidi Kitai, qui est un super pote, puis par exemple Guillaume le Top Shark, et aussi Romain Lewis, qui est un super mec. Avec l’arrivée d’Adrian Mateos et Joao Vieira, même Davidi s’est retrouvé à apprendre beaucoup de choses. Quand on fait les séminaires en leur présence, c’est eux les maîtres de conférence !

Est-ce que le niveau d’analyse d’un Mateos, d’un GTO, c’est utile dans un tournoi comme ce Main Event à 500€ au WPO ?

Le souci du GTO, c’est que si tu affrontes un mec qui n’a aucune idée de ce que c’est, vous n’allez pas vous comprendre… C’est applicable selon le joueur en face de toi : s’il est compétent, tu peux appliquer le GTO et d’autres petites leçons apprises. Si tu es contre un joueur récréatif qui ne comprend rien aux côtes et autres, il faut s’adapter et le scanner pour voir à peu près comment il joue. Ca peut arriver aussi d’avoir des joueurs hyper compétents face à toi dans le circuit mid-stakes, alors que dans un gros buy-in à 10 000$ des WSOP, tu vas avoir un Américain totalement nul qui ne comprend rien. Mais quand tu vois qu’Adrian Mateos s’arrache un Sismix à Marrakech contre 1200 joueurs alors qu’il sort de Super High Rollers au Triton avant… Respect.

Avec la généralisation du GTO s’est imposée une nouvelle norme, mais dès lors, comment en dévier et exploiter l’adversaire ?

Tout va dépendre comment tu arrives à dévier du GTO… Comment tu penses être perçu par l’autre. Il faut toujours scanner le mec en face, mais savoir comment lui te perçoit, comme tu peux dévier des règles que l’autre est censé comprendre.

Et quand vous affrontez des joueurs du Team à la table, ça change quelque chose, au vu de la somme d’infos que vous échangez habituellement ?

Ce qui est certain, c’est qu’on se joue comme si on n’était pas dans le même Team, bien évidemment. Mais c’est vrai qu’on peut avoir des historiques, si on s’est beaucoup joués. Par exemple hier avec Julien Sitbon, je touche le brelan au flop, mais comme je n’ai pas d’historique avec lui, et que je suis battu à la river par full et flush, ça me fait beaucoup hésiter. Il n’y a pas un milliard de combos qui me battent, mais je me dis au final que ce n’est qu’un 500€, avec la re-entry, me bluffer là me semble très osé, surtout que je représente basique un brelan de 5. Bon, après, il n’a pas voulu me révéler sa main ! (rires)

Vous avez signé votre plus belle performance de l’année dans un Senior aux WSOP. Ca fait bizarre la première fois qu’on entre dans cette catégorie ?

C’est presqu’un peu le bracelet que tu n’as pas envie de gagner ! (rires) En fait, c’est pas vrai car maintenant que c’est un high-roller à 5000$, ça vaut le coup. Quand je suis arrivé en chipleader en table finale, j’étais vraiment hyper motivé. J’avais plus de 110 blindes, et je perds un énorme coup à la moitié de mon tapis contre le pire joueur de la table. En gros, il y avait une joueuse et moi à table qui savions ce qu’on faisait… Le type venait de buster la joueuse en payant deux barrels en ventrale contre double paire floppée. Et c’est bien sur lui qui va me défoncer juste après : il fait une erreur pré-flop, et bien sûr, il touche quinte tout de suite, en donkant max, pendant que moi je me débats avec ma paire de 6 en mains sur un flop 6-7-8. Tout ça en à peine 45 minutes, et heureusement que Stéphane Matheu et Romain Lewis sont derrière moi, donc je reste tranquille, j’ai encore plus de 50 blindes. Derrière je perds 18 BB avec 88<<10-10, puis 8 BB avec 66<<A-J suited. Et à la fin je défends un As contre un flush draw et je finis par payer pour la fin de mon tapis, et j’ai fini sixième, ce qui était une grosse déception car le niveau était mauvais, très passif. Bien sûr, tu as des top joueurs de plus de 50 ans, et d’ailleurs dans 5 ans, Davidi, il pourra jouer le Senior ! Je rentre presque jamais bredouille de Vegas pendant les WSOP, c’est aussi car c’est bien l’endroit où je peux avoir un edge, bien plus que sur les EPT. Le niveau en Europe est plus élevé, et aux WSOP, il y a de tels fields…

Vous swappez beaucoup entre joueurs ?

Franchement, je n’y pense jamais ! J’ai du faire ça une fois avec Romain Lewis car on faisait tous les deux un deep-run, avec le même stack environ, mais j’avoue que ça ne me vient pas du tout naturellement… J’ai fait deux tournois plus chers dans ma vie, deux fois des 25 000$ à Monte-Carlo. La première fois, je perds à la quasi-bulle avec deuxième nuts contre les nuts d’un super joueur, et puis j’ai signé ma plus grosse performance en finissant runner-up pour 700 000€ il y a deux ans. J’avais un peu de « rab » sur mon enveloppe de tournois à cause du Covid, mais tu sais que parmi les 200 joueurs qui s’inscrivent, tu pars 180ème, à part les millionaires qui viennent là pour se détendre…

photographie par Caroline Darcourt pour Winamax

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Interviews

[WPT World Championship — 13 décembre] Erik Seidel, deux balles dans le barillet

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A part le Main Event des WSOP —et pour combien de temps encore?—, quel tournoi se joue encore sans re-entry ? Pour le point d’orgue du WPT World Championship au Wynn, le format à 10 000$ et re-entry possible sur 4 jours permet une double articulation : offrir plusieurs chances aux joueurs aux poches bien garnies (ou au multi-qualifiés par des satellites à 1000$ qui se multiplient sur la propriété), mais aussi disposer d’une garantie gigantesque (40 000 000$, soit la plus grande garantie jamais créée pour un tournoi de cette envergure) et ne pas pour autant sacrifier la structure du tournoi.

Ce matin, alors que le Day 1B débute à peijne, la ferveur qui agite la salle en plein réveil semble plus tangible que la journée précédente : déjà plus de 330 inscrits, dont quelques visages croisés hier. Avec les Day 1 qui se suivent, on devrait assister à de plus en plus d’entrées, les pro n’hésitant pas à maximiser les risques pour aborder le Day 2 riches en munition, quitte à re-entry le jour suivant. Erik Seidel fait partie de ce deuxième wagon, lui qui revient auréolé de sa récente victoire aux WSOP Paradise, lors d’un high-roller à 50 000$. L’homme est infatigable, GOAT parmi les GOAT, discret héros de plusieurs générations de joueurs de poker, à tous les niveaux, dans toutes les villes, et à toutes les tables. Difficile, voire impossible, de trouver une voix critique et encore moins contemptrice de ce grand shark au coeur sur la main et à l’intelligence qui transpire de chacun de ses moves. Nous l’avions rencontré il y a tout juste un an, lors du précédent WPT World Championship, et profitons de cette apparition dans la sublime salle Chopin du Encore Convention Center pour en republier de larges extraits.

Vous êtes l’un des plus discrets des joueurs présents au Poker Hall Of Fame, depuis des années ? Est-ce que la fame, la gloire et la reconnaissance, est importante pour vous ?

Plus jeune, peut-être oui, c’était un objectif auquel je pensais parfois. Même adolescent, on peut dire qu’on a souvent des rêves de reconnaissance, qui sont d’ailleurs bien légitimes. Mais quand on devient un tant soit peu adulte, je crois que ce n’est plus du tout une motivation, ça reste assez futile avec le temps.

Vous pensez que certains membres du Top 10 de la All Time Money List peuvent être perdants au poker ?

Non, quand même… je ne crois pas. Tous ceux du Top 10 ont beaucoup gagné au final. Mais les chiffres réels sont vraiment à prendre avec des pincettes en retirant les tarifs d’entrée dans tous ces nouveaux tournois high-rollers. Si vous payez plusieurs reentry dans des 250 000$ ou des 100 000$, c’est certains que cela fait relativiser. Mais je respecte énormément le travail proposé depuis des années par HendonMob, et j’observe souvent les progrès de mes contemporains.

Avant de vous consacrer au poker, vous étiez joueur professionnel de backgammon… Pouvez-vous nous décrire cette période de votre vie ?

C’était un mode de vie très proche de celui du joueur de poker, sauf qu’il y avait moins d’argent en jeu… Je jouais des tournois dans le monde entier, et ça a été pour moi, dès le départ, l’opportunité unique de voyager ainsi partout. Quand on est jeune comme je l’étais, c’était juste incroyable de pouvoir aller en Europe, ou même d’aller dans des villes américaines dans lesquelles je ne serais jamais allé autrement. C’était vraiment super à vivre, une sorte de circuit du poker, mais en plus intimiste : c’était toujours les mêmes joueurs, dans des villes qui changeaient chaque semaine, et l’esprit de compétition était le même. La seule différence c’était que le budget voyage était beaucoup plus resserré ! (rires) On n’avait juste pas d’argent… Il y a peu à gagner dans le backgammon. On a eu nous aussi une sorte d’âge d’or et de boom à cette époque, mais cela n’avait rien à voir avec le poker : on partageait notre chambre entre joueurs pour diviser les frais, et on faisait attention à toutes nos dépenses.

C’est pour cette raison que tous les joueurs de backgammon se sont mis au poker ensuite ?

Oui, bien évidemment… Souvent, je me dis que je vais me remettre au backgammon, parce que j’adore ce jeu, et j’aimerais comprendre jusqu’où on pourrait le faire évoluer de nos jours, avec tous ces nouveaux outils d’analyse. Mais pour être honnête, c’est plus un défi intellectuel qu’autre chose.

Vous faisiez également partie du Mayfair Club, à New York. Quelle atmosphère y règnait-il ?

Le Mayfair était un endroit génial. Quand j’ai commencé à fréquenter ce club, mi clandestin, mi légal, il était situé sur la 57ème, à New York, entre Lexington et la 3ème Avenue. C’était un club de bridge, surtout. Mais c’était très agréable d’y aller tous les jours, on s’amusait beaucoup, il y avait de sacrées personnalités… Là-bas, j’ai vu pas mal de joueurs de backgammon, comme moi, qui ont commencé à opérer leur transition vers le poker, et je les croise encore aujourd’hui, ce qui fait très plaisir. Pour moi, c’était fabuleux, car j’étais encore un gamin, et c’était le paradis pour gagner de l’argent et me confronter à tous types d’adversaires.

A l’époque, il y avait beaucoup de triche ?

Au Mayfair, sur les tables de backgammon, non, je n’en ai jamais été témoin. On a essayé de m’arnaquer une fois à Las Vegas à l’époque, au moins une fois… Au poker, il y avait un type au Mayfair qu’on suspectait de tricher à répétition, et aussi certains de passage, mais ils étaient vite expulsés. Ce n’était pas un gros souci en tout cas.

A quelles caves jouiez-vous à l’époque ?

Au poker, c’était assez raisonnable, on jouait en 25/50$, mais en vrai on s’accordait pour jouer à la moitié, en 12, 5/25$. A l’époque, j’ai eu un super run juste avant d’aller aux World Series : en deux semaines, j’avais gagné près de 80 000$, mais c’était une somme vraiment exceptionnelle pour ce genre de tables, on avait des swings de quelques milliers de dollars par jour normalement.

Il n’y avait que des sharks à table ou il y avait aussi des joueurs plus faibles ?

Lors de ma première année au Mayfair, aucun joueur professionnel de poker n’avait le droit de s’asseoir à table. Il y avait énormément de joueurs comme qui ne savaient pas vraiment comment jouer, mais qui se faisaient leurs dents sur ces tables, et c’était génial, car ça nous permettait de progresser in vivo. Au bout d’une année, ils ont laissé entrer les premiers pros, comme Dan Harrington ou Howard Lederer. Il devait y avoir aussi Steve Zolotowski depuis le début ceci dit, car c’était un joueur historique du Mayfair. Il était bien meilleur que nous tous. Puis Dan Harrington a commencé à faire le voyage depuis Philadelphie, et il était bien au-dessus du lot, comme Lederer. Les deux avaient dû faire la table finale du Main Event des WSOP l’année précédente, d’ailleurs. C’était vraiment un sacré truc de les avoir à notre table, parce qu’ils savaient vraiment bien jouer, et ça nous permettait d’apprendre plein de choses.

Ces premières années au Mayfair ont donc beaucoup compté pour vous ?

Oui, ce qui était super au Mayfair, c’est qu’au bout d’une année environ, on s’est mis à jouer avec de vrais champions, mais qu’il restait aussi pas mal d’amateurs. J’ai pu continuer à apprendre et perfectionner mon jeu sans perdre de l’argent pour autant. Je n’avais pas beaucoup d’économies, et je devais faire très attention avec ma bankroll, tout en tentant de comprendre ce que faisaient les champions et m’inspirer d’eux.

Cela fait plus de trois décennies que vous êtes professionnel de poker… que pensez-vous de ce jeu aujourd’hui ? Vous avez encore envie de jouer ? Pensez-vous à arrêter un jour ?

Non, pas du tout : j’espère bien pouvoir jouer bien plus longtemps encore. J’adore toujours autant ce jeu, et je crois même encore plus qu’à mes débuts. Le poker reste fascinant pour moi, et je trouve cela très excitant d’aller affronter les meilleurs joueurs au monde, et essayer de comprendre ce qu’ils font et d’ajuster ma stratégie à chacun d’eux. J’ai beaucoup de chance d’être encore là aujourd’hui, et j’espère pour encore pas mal d’années. J’arrive encore à gagner de l’argent, autrement ça ne serait pas aussi drôle ! (rires) Je voudrais donc continuer encore. Quand je vois Doyle Brunson, à plus de 80 ans, qui continue, cela m’inspire énormément. Ce jeu fait fonctionner le cerveau, et j’ai peur d’arrêter car j’ai peur de vieillir tout à coup autrement. Certaines études ont montré que les joueurs de poker ont moins tendance à développer des maladies mentales, comme la démence sénile, par exemple…

A vos débuts, quels étaient les grands noms qui régnaient sur le poker ? Que vous ont-ils appris ?

Tout le monde admirait les joueurs new-yorkais, mais la liste est longue car il y avait énormément de très bons joueurs au Mayfair, par exemple. Et puis à Las Vegas, bien sûr, je connaissais Chip Reese de nom, ou Doyle Brunson, Stu Ungar, Puggy Pearson… Stuey, Puggy et Chip jouaient au backgammon, et je les avais croisés quelques fois sur ce circuit. Doyle, je ne le connaissais que de nom, et je me souviens avoir découpé parfois des articles dans le Daily News qui parlaient de tous ces types là. C’était des vraies stars à l’époque, mais ils vivaient dans une autre galaxie. Chip, Stuey et Puggy étaient très sympa avec moi au backgammon, mais je ne pensais jamais qu’un jour je les affronterais au poker. Je n’avais pas encore la confiance pour jouer contre l’élite du poker. J’aimais juste jouer, et j’espérais qu’un jour, je pourrais gagner ma vie ainsi. Je n’avais ni le but ni la vision de devenir riche avec le poker. A l’époque, j’avais un ami qui jouait en midstakes et s’en sortait bien, et pour moi, c’était hors d’atteinte.

A partir de quand avez-vous compris que vous aviez le niveau ?

Il a fallu plusieurs étapes pour que je me sente enfin assez confiant : je gagnais déjà pas mal à New York, et je savais qu’à l’époque j’affrontais déjà de très bons joueurs, ce qui me donnait confiance en mon jeu. Plusieurs joueurs de notre partie m’ont poussé à aller aux World Series pour tenter ma chance. Avant d’arriver à Las Vegas, je n’y croyais pas trop, mais une fois que je me suis engagé dans les WSOP, c’est venu tout seul. J’ai ce souvenir du Day 2 où j’ai réussi à passer certains bluffs que j’avais bien construits et je me disais, c’est fou, je joue avec des gros noms du poker, et je trouve des spots où je peux exploiter leur jeu. C’était vraiment très excitant. Même après avoir fini deuxième du Main Event, je ne me prenais toujours pas pour un joueur d’élite ; je pensais juste que mon jeu était correct et que ça m’excitait beaucoup d’améliorer mon niveau à ce jeu.

Est-ce que l’argent a toujours été un but pour vous ou juste un moyen pour disputer de plus belles parties ?

L’argent a toujours été un facteur, en effet, car j’ai débuté ma carrière sans aucune bankroll, et il fallait vraiment que je monte de l’argent. Et puis j’ai deux enfants, donc en réalité, il fallait bien que je gagne assez pour les éduquer et les nourrir. Cela ne fait qu’une décennie, à peu près, que l’argent n’est plus devenu un facteur important pour moi. Au début de ma carrière, et même par la suite, c’était vraiment ma première motivation, et encore aujourd’hui cela peut me motiver. Bien sûr, il faut survivre et c’est toujours agréable de faire du profit, d’avoir un toit et une maison pour toute sa famille, de ne jamais avoir peur de manquer, mais ce n’est plus une question existentielle comme au début de ma carrière, à moins que je me mette subitement à perdre énormément sans m’arrêter… Dans ce cas, je préfèrerais arrêter.

Quel regard portez-vous sur le poker actuel ? En terme d’offre et de niveau de jeu ? Avez-vous remarqué des changements importants chez la jeune génération ?

Bien sûr, il y a eu des changements radicaux depuis toutes ces années, et surtout récemment. Les joueurs commencent à comprendre les mathématiques du jeu pré-flop, par exemple, et ils savent comment miser après le flop. Je me sens un tout petit peu largué par rapport à ces jeunes joueurs, en terme technique. Avec l’élite de l’époque, quand vous jouez contre des types comme Jason Koon, ou Isaac Haxton ou Chidwick, c’est clair qu’ils ont énormément travaillé et qu’ils comprennent le jeu d’une manière vraiment très novatrice. Et tant mieux, car c’est bien d’avoir trouvé de nouvelles solutions à de vieux problèmes. J’ai l’impression de mieux comprendre comment on doit jouer au poker. D’un autre côté, je me dis aussi que j’ai encore beaucoup de boulot si je veux rester compétitif avec l’élite…

Et vous avez envie de vous coltiner justement tout ce travail ?

Oui, j’adore ça, mais j’ai peur parfois de ne pas être aussi motivé que la jeune génération, parce qu’ils ont beaucoup plus de temps devant eux, et que je veux pour ma part garder une vie agréable et équilibrée. J’aime beaucoup mes loisirs, passer du temps en famille, aller à des concerts ou voir des pièces de théâtre. J’adore lire, aussi, donc je ne serai jamais autant immergé dans la stratégie poker que ces jeunes joueurs. Je suis très motivé pour bosser autant que je peux, car cela signifie que je ne suis pas totalement largué, et que je peux jouer à des hautes limites.

Vous utilisez les solvers ?

Jason Koon m’expliqué tout ça, c’était très intéressant, il m’a montré énormément de choses, mais je crois que je ne comprends pas aussi bien ces outils que les jeunes joueurs (rires). J’essaie, j’essaie mais… ça ne vient pas !

Vous avez recommencé à voyager pour jouer ?

Oui, c’est récent, mais je viens en Europe en début 2023 en effet pour l’EPT Paris. J’adore cette ville, et cela faisait 8 ans que je n’étais pas allé en France pour le poker. C’est mon ami Bruno Fitoussi qui m’a fait découvrir cette ville et ses grands restaurants, et Bruno a fait énormément pour le poker en France et en Europe, on ne s’en rend pas compte mais sans lui beaucoup d’Américains ne seraient jamais venus ou revenus… Il a énormément contribué au poker.

Comment vous préparez-vous pour de si longues journées de tournoi ?

C’est vrai que j’ai commencé mon Day 1 au tout début, contrairement à d’autres joueurs comme Dan Cates ou Phil Ivey. C’est vrai que jouer douze heures d’affilées, ça peut être épuisant, mais c’est aussi un avantage car on affronte beaucoup d’amateurs au début, et on peut monter des jetons plus facilement. Je marche tous les jours une dizaine de kilomètres pour être en forme, et je mange sainement avant le tournoi. Et puis il y a le sommeil, qui est le plus important. Avec trois Day 1 comme dans le WPT Championship, si vous êtes qualifié lors du Day 1A, c’est parfait car vous avez deux jours de repos avant le Day 2.

Comment jugez-vous l’évolution de l’offre des WSOP ces dernières années ?

J’ai bien peur que la marque WSOP ait été un peu égratignée et qu’elle soit moins forte qu’avant, notamment avec la multiplication des tournois offrant un bracelet. Les joueurs de poker sont souvent jaugés au nombre de bracelets WSOP qu’ils ont gagné, et si vous commencez à donner des centaines de bracelets par an, notamment pour des petits tournois en ligne, cela devient moins rare, et donc moins attractif. J’adore jouer aux World Series, mais il faut arrêter de gâcher comme ça tous ces bracelets. Cela n’a plus la même valeur que lorsqu’il y en avait 30 ou 50… Cette année, j’ai joué contre un type qui avait 4 bracelets mais qui était inconnu auprès de tout le monde… A la fin cela devient une question de chiffre, où le talent n’est plus indispensable, où il suffit de tout jouer pour statistiquement décrocher des bracelets. Au final, on va commencer à jauger les joueurs sous d’autres critères, en oubliant les bracelets WSOP. Bien sûr, c’est super pour un joueur local de se pointer chez ses amis avec un bracelet WSOP, mais je pense quand même que cela gâche la valeur des choses. On m’a dit cependant qu’avec le passage au Ballys/Paris, pour 2023, ils allaient modifier les structures en mieux. J’en ai assez des journées de 12 heures, de jouer jusque 2 ou 3 heures du matin. Il vaudrait mieux une structure un peu plus rapide, et je trouve cela très bien que les directeurs des WSOP écoutent ainsi les joueurs.

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Doyle Brunson, le « parrain » du poker, est mort

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C’est Todd Brunson, son fils, qui l’a confirmé cette nuit du 14 au 15 mai : Doyle Brunson, son père, est décédé à l’âge de 90 ans. Celui qui avait déjoué tous les pronostics de survie après un cancer développé alors qu’il n’était que jeune adulte ne verra donc pas l’édition 2023 des WSOP, une compétition qu’il aimait par dessus tout. Nous republions le dernier entretient qu’il nous avait accordé avant de lui consacrer un dossier spécial dans notre prochain numéro.

Lire notre entretien exclusif avec Doyle Brunson ici.

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