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Le journal Off du poker

À quelle table de poker êtiez-vous assis le 11 septembre 2001 ?

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C’est la question, étonnante, que s’est posée Nolan Dalla sur son blog quotidien, libertaire et libéral, le plus souvent tourné vers le monde du poker. Nolan Dalla est un personnage quasi-historique du poker de l’autre côté de l’Atlantique : parieur professionnel (il avait même mis au point une méthode de pari sportif très cotée à l’époque), joueur semi-amateur, il a surtout côtoyé les plus grands joueurs depuis trois décennies, devant depuis quelques années le directeur média des WSOP pour le groupe Harrah’s. En parallèle, il a également signé le meilleur livre sur le monde du jeu, une biographie littéraire de la légende Stu Ungar, « Joueur né » (paru en France aux éditions Sonatine).

A son plus grand étonnement, Nolan a ainsi découvert que le 11 septembre 2001, alors que l’Amérique toute entière avait les yeux rivés sur les écrans de télévisions, ébahis par l’irréalité du plus grand attentat terroriste de l’histoire, quelques individus s’asseyaient pourtant à une table de poker. Comme le note Nolan Dalla, pas moins de trois tournois d’envergure eurent lieu ce jour-là (Los Angeles et Las Vegas) alors que les tours new-yorkaises étaient déjà en feu, décalage horaire avec la côte ouest oblige.

Lors de 9/11, c’est un pays qui s’est retrouvé à terre, balayé par une destruction symbolique et médiatique. Comment ses citoyens ont-ils ainsi pu cracher ouvertement à la figure de la nation, se demande Dalla, quelle abjection peut pousser un joueur —même un joueur semble-t-il souligner— à s’adonner à un loisir, même lucratif, alors que des milliers de corps brûlent (des amis, de la famille, des anonymes) à quelques heures de là ? La réponse, comme il le rapporte, est comme bien souvent très simple. Un de ces joueurs n’est autre que Scott Byron, joueur new-yorkais bien connu des habitués du Mayfair Club,  un cercle de jeu privé qui aura beaucoup formé la génération des années 1990s des joueurs pros (Laak, Seidel, etc.). Ce jour-là, Byron est à Vegas, et il s’est acquitté du droit d’entré pour le Queens Poker Classic, au casino Four Queens, dans le Downtown (un casino très longtemps à la mode, à l’époque des WSOP organisés au Binion’s). Comme les autres 88 joueurs inscrits à ce tournoi, il est allé au casino,  hébété par les images qu’il venait de voir dans la télévision de sa chambre avant de quitter l’hôtel. Comme eux, il a appris que le casino continuait à organiser le tournoi, et s’est assis à table. Autour de lui, fait-il remarquer, « uniquement des amis et des connaissances, comme c’était le cas à cette époque sur le circuit du poker ». Et tous tournaient le dos en continu à leurs cartes, les yeux rivés sur les gros écrans qui ornaient les murs de la poker-room. Mais game must go on, a fait remarquer l’un d’entre eux. Et la compétition s’est déroulée tant bien que mal, entrecoupée d’une intervention tardive de George Bush, et nimbée du silence assourdissant des lignes téléphoniques toutes saturées ou coupées.

Impuissants, les joueurs du Four Queens. Impuissants, aussi, tous ceux qui, à distance, n’avaient pas d’autre moyen de soutenir les victimes que de leur regard passif face à un écran télévisuel qui diffuse les images en boucle. Aucun vol pour rejoindre New York, et ce pendant des jours. Aucun appel avant le petit matin du 12 septembre, pour rassurer la famille. Sur la longue liste des compagnies victimes, toutes sises dans les deux tours du World Trade Center, quelques unes où se rendaient régulièrement des membres du Mayfair Club, se souvient ému Scott Byron. Une tragédie collective où l’individu, perdu à l’autre bout de ce pays-continent, ne pouvait rien faire d’autre qu’oublier, en groupe soudé, ce malheur qui se déroulait presque sous les yeux. Car le jeu est sûrement le plus puissant des analgésiques, la plus déréalisante des activités. Celle qui vous fera miser toute votre fortune, ou bien plus, sur un simple numéro de roulette ; braver toutes les lois logiques et prier pour qu’une carte, une seule carte, one time, tombe à la river et vous ouvre les portes d’une finale tant espérée ; vous abreuve jour et nuit et aube blême de shoots d’adrénalines qui vous font oublier fatigue, heure, faim, famille, soucis, travail, amour perdu ; vous emmène jusqu’au plus bas de la perte ou au plus haut des sommets de gain, déchet humain du petit matin ou roi d’une nuit, selon la bonne volonté de la chance pure. A Las Vegas plus que nulle part ailleurs, la guerre d’Irak n’a jamais eu lieu, les tours du World Trade Center se sont écroulés en pixels de poussière, la mort de Michael Jackson n’a été qu’une rumeur jamais vraiment confirmée et la date de celle de Doyle Brunson, une source de paris inépuisables.

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[Finale WiPT] L’union fait la force

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Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

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[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

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Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

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[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

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Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

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