fbpx
Connect with us
center>

Le journal Off du poker

Journal des WSOP (12 juin 2011) : Où passerez-vous l'éternité ?

Published

on

Les week-ends des World Series se suivent et se ressemblent : de longues queues dès 10h du matin afin de dépenser les 1 000 ou 1 500$ nécessaires pour vivre le grand rêver du poker professionnel. Dans ces tournois-monstres qui accueillent plus de 2500 joueurs à chaque édition, la variance est énorme. Il suffit de traverser méthodiquement les allées de la Pavillion Room —trop petite pour accueillir tous les inscrits— pour mesurer la passion du poker amateur aux USA. Car si le Black Friday a étrangement gommé la jungle de logos de ces « petits » tournois, les joueurs ont tout de même fait le déplacement pour ces tournois au prizepool énorme. Il faut plusieurs minutes à l’observateur attentif pour dénicher quelques têtes connues : un Tom Dwan lunaire, à une table d’inconnus, qui bataille avec un maigre tapis ; JJ Liu, chapeau extravagant comme à l’habitude, non loin de Jennifer Tilly, visiblement fatiguée ; quelques Français dans un mouchoir de poche, avec Roger Hairabedian, habillé comme un kid de Baltimore, très concentré, ou J-P Léandri, qui avait fait rêver il y a deux ans le contingent français avec sa magnifique troisième place en finale de PLO.

Si les structures de ces tournois (4 500 jetons de départ, levels d’une heure, départ en 25/25) ne sont absolument pas honteuses, la diversité du field rend l’exercice difficile et quelques erreurs ont vite fait de montrer le chemin de la sortie. Droit vers le « Poker Valet », où cette année sont absentes les immenses caravanes de Negreanu, Hellmuth et consorts. Une fois dehors, à la gauche du Strip, Industrial Road, la véritable route du vice de Sin City, une longue enfilade de préfabriqués qui longe en contrebas l’autoroute I15. Plus vous avancez sur Industrial Road, plus les réclames se font explicites : un « temple de l’érotisme dirigé par un Docteur en Histoire de la Sexualité Humaine » ( ?), tout de suite jouxté par une première boîte de strip-tease intégral. Longez encore un peu plus le bitume brûlant qui passe derrière le Treasure Island et le Wynn, et arrivez ensuite au bunker au centre de tous les fantasmes : le Sapphire, plus grand club de strip-tease au monde.

Au dehors, rien d’extraordinaire : des dizaines de caméras de surveillance cachées dans les palmiers avoisinants, deux parkings vides ou presque, et un immense hangar beige, brique lourde qui se découpe dans le paysage éblouissant du Vegas diurne. Les « filles du Sapphire » ne sont pas inconnues des joueurs de poker : elles officient toute la journée sur un petit stand situé en face de la poker-room des WSOP, et distribuent en bikinis bleu-pétrole des tracts VIP pour le club. « Une expérience inoubliable, » résume la plus jeune d’entre elles, aux bras trop maigres et aux bleus encore visibles sous le voile chair qui couvre ses jambes. Elle frissonne sous l’air conditionné trop froid des couloirs du Rio, les yeux vides et le sourire mécanique. Pourtant, son petit jeu suffira sûrement à « rabattre » quelques dizaines de joueurs, en quête de frissons. Beaucoup ne connaissent pas la ville, et résument leur déplacement à un triangle désormais inévitable : hôtel-Amazon Room- Club de striptease.

Face aux flots de joueurs déconnectés du réel de la ville, Las Vegas a dû réinventer toute une flopée de sous-métiers disparus depuis longtemps des civilisations occidentales avancées : porn-slappers porto-ricains distribuant des cartes de visites d’escort aux touristes du strip ; anonymes arborant d’énormes pancartes « Liquor Store Here » sous les 40 degrés du soleil du Nevada, au beau milieu des rues ; crieurs de rues devant les casinos menant au Downtown afin de rabattre le chaland. Au beau milieu de cette foule, Josh détonne. Raide dans on costume mal coupé, il distribue un sourire factice aux lèvres un petit fascicule juste en face du casino Sahara, à l’ombre de la tour des Hilton Residences : « Where will you spend eternity ? ». Car Josh est évangéliste, venu spécialement ce week-end d’Illinois. « Hey my man », m’interpelle-t-il avec un étrange accent afro-américain hérité des banlieues sud de Chicago. « Feel like talking to God down here ? » Josh n’a pas de chances : il est posté face à un casino qui vient de fermer définitivement il y a quelques semaines, et les rares égarés ont déjà tout perdu. Seuls des hommes à la peau brûlé par le soleil, sans âge et sans origine, passent devant lui, traînant derrière eux un paquetage écorné, et quelques cents dans les poches. « Thank you Christ who died for me ! Now your life can change, and you can spend eternity with Him ! »


Un peu plus bas sur Las Vegas Boulevard, toujours plus au nord, débute la longue litanie des Pawn Shops, des échoppes borgnes ouvertes 24/24. Le samedi, les familles latinos du quartier font la queue devant ces enseignes pour y vendre quelques objets de valeur : appareils photos, dents en or, montres. L’ambiance y est étrangement joyeuse : on s’y prend en photos, on discute du contenu de ses gros sacs en jute avec ses voisins de file, le temps que le gardien en chef vous appelle et vous intime à entrer à l’intérieur. Certains utiliseront l’argent recouvré pour le dépenser le soir-même dans un casino du Downtown, ou offrir un buffet à toute sa famille ; d’autres n’iront pas si loin : à quelques mètres seulement, tout autour du Palais de Justice de Vegas, des officines de jail bonds proposent d’avancer à crédit l’argent nécessaire pour faire libérer les prisonniers en conditionnelles.

Jérôme Schmidt

Continue Reading
Advertisement
Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Coverage

[Finale WiPT] L’union fait la force

Published

on

Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

Continue Reading

Coverage

[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

Published

on

Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

Continue Reading

Autres tournois

[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

Published

on

Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

Continue Reading
Advertisement

Buzz

POKER52 Magazine - Copyright © 2018 Game Prod. Design by Gotham Nerds.