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Le journal Off du poker

Journal des WSOP (14 juin 2011) : Bruits de couloir

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Hier, pour la traditionnelle remise officielle des bracelets, John Juanda jouait profil bas. Se déplaçant avec sa démarche en crabe si particulière consécutive à un lourd accident de la route survenu pensant son enfance asiatique, Juanda rasait les murs. Actionnaire (comme de nombreux joueurs historiques) de Full Tilt Poker, Juanda avait déjà connu les foudres de la communauté des joueurs high-stakes dès le premier jour, violemment pris à partie par James Bord, comme l’avait rapporté notre ami Benjamin ‘Benjo’ Gallen. Depuis, la situation semble s’être stabilisée : Juanda n’arborait hier aucun logo, et s’est contenté d’un sourire figé lors de la cérémonie, suivi de quelques photos souvenirs avec ses rares fans, avant de s’éclipser rapidement vers le tournoi de Stud pour lequel il était toujours en course.

Il faut dire que Juanda est un des rares joueurs-phares de l’opérateur à participer activement aux WSOP. Malgré ses déclarations contraires à quelques jours des World Series, fin mai, où il affirmait ne sûrement faire que quelques tournois tout au plus, il est le seul à braver la furia populaire au quotidien. Howard Lederer, actionnaire principal et co-fondateur, a disparu de la circulation ; Phil Ivey tente de s’en sortir par une pirouette médiatique aux effets controversés ; Gus Hansen et Patrik Antonius boudent, comme toujours, la plupart des épreuves ; Mike Matusow a publiquement déclaré être dégoûté par la situation ; Tom Dwan, dernier arrivé dans la Team Pro, n’est pas actionnaire et a déclaré reverser ses gains de l’année aux joueurs floués si rien n’était fait par son ancien sponsor.

Dwan, justement, a traqué hier toute la journée Juanda. L’observant fixement d’un coin de l’œil pendant la cérémonie de remise des bracelets, il a littéralement sauté de son siège lorsque Juanda s’est éclipsé vers sa table du Stud 10 000$. Au moment précis où Juanda a franchi la porte du couloir amenant dans le hall du Pavillion Room, Dwan l’a saisi par le coude, le visage transfiguré. A cet instant précis, Tom « durrr » Dwan n’était plus le génie lunaire du poker online et des high-stakes que l’on connaît, mais un simple joueur lambda, trahi par ses proches et son « employeur ». Juanda s’est retourné brusquement, coincé entre les deux portes. Dwan a porté la main à l’oreille de son ancien compagnon de route et lui a soufflé pendant de longues minutes mouvementées un discours grimaçant, menaçant. Dans le regard de Juanda, l’impuissance et la panique. Car, ici, on ne parle pas de dettes de jeu non payées, de quelques centaines de milliers de dollars qui n’arrivent pas comme prévu ; pour Full Tilt et Dwan, l’addition se monte à plusieurs dizaines de millions de dollars, en contrat de sponsoring, en avance de trésorerie, en rake-back… Et un honneur qu’il ne sera jamais facile de laver pour des jeunes joueurs qui ont longtemps porté un logo et une marque, l’ont vendu, bons petits soldats, au monde entier, avant d’être jetés en pâture, sans le moindre repère, dans un dossier aux informations brouillées, un jeu de dupes où aucune sortie de crise ne semble réellement possible. Lorsque Dwan a finalement relâché Juanda, leurs deux visages étaient livides. Le jeune joueur a pointé une dernière fois son doigt vers lui, avant de feindre un sourire peu crédible à trois fans venus photographier, pas bégueule, leurs idoles. Comme une intrusion dans le conflit qui n’en finira jamais entre ces deux joueurs qui ont tant amené à une marque abattue en plein vol, qui a toujours fermé les yeux sur les mesures judiciaires à venir, et a voulu amasser un profit maximal, à force de cavalerie comptable, pour ses actionnaires, aux dépens de tous les joueurs.

Si cette altercation est passée complètement inaperçue de la presse, une autre rumeur agitait les bancs presse, côté gossip : un joueur français se serait fait arrêter par la police au Bellagio, à quelques mètres seulement de la poker-room. Un classique des pièges de Vegas : une policière undercover, maquillé en prostituée, propose « some good time, sweetie » à un quidam dans les casinos, qui s’empresse d’accepter pour une somme à négocier ; l’instant suivant, cinq policiers en civils se lèvent du vidéopoker, de la roulette et de la machine à sous jouxtant la scène et coffrent l’impétrant. Parce que, c’est bien connu, la prostitution est interdite à Las Vegas. « Tu sais, il y a deux ans, tu allais en taule quand tu osais te mettre seins nus à la piscine », rigole d’un fort accent texan, Seth, un industriel qui gère tous les systèmes de climatisation des casinos du Strip, lorsqu’on lui rapporte la mésaventure du joueur français. Depuis le haut du Voodoo Lounge, le bar panoramique du Casino Rio, il fume un cigare avec son associé. « Vegas est une ville de merde, où tout le monde se ment sur ses valeurs… Les mecs ne viennent ici que pour baiser, claquer un blé monstre pour se sentir puissant et repartir avec une sensation de vide, pour pouvoir se motiver à repartir dans leur quotidien… Les flics, ici, ce sont ceux qui se mentent le plus à eux-mêmes : ils appliquent des lois que tout le monde bafoue à chaque seconde, et ils ont l’impression de servir leur état. Des pantins, et des accrocs au gambling comme tous les zombies qui habitent cette putain de ville ! »

Jérôme Schmidt

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[Finale WiPT] L’union fait la force

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Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

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[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

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Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

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[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

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Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

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