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Le journal Off du poker

Journal Off des WSOP : Las Vegas, seconde chance

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Frankie a 58 ans. Il traîne chaque soir dans le gigantesque ballroom du Gold Coast, un casino principalement fréquenté par la communauté asiatique de Las Vegas. Un établissement bon marché, vaguement ripoliné sous des dehors d’hacienda mexicaine, qui accueille toutes les âmes perdues de Flamingo West, entre le Rio Casino et le Palms. Des locaux, comme Frankie, qui y aiment les prix plus que modérés, et l’ambiancé désuète, voire fantomatique de l’endroit. Dans le ballroom, comme chaque jeudi, un groupe de la communauté thaï de Vegas reprend les classiques américains. De 17h à 4h du matin, sans relâche, ils enchaînent « Time after Time », « Hotel Califonia », « Piano Man », à la demande du très maigre public. Frankie est souvent seul au milieu de la piste de danse, encore plus vide qu’à l’habitude ce jeudi soir. Ce croupier du California Casino downtown, y vit ses seuls moments de transgression possible : baskets aux pieds, demi-bas chair en guise de chaussettes, il a enfilé une robe colorée, et apposé une perruque orange, mal placée sur ses cheveux grisonnants. « I love to dance, it’s so much fun, » crie-t-il au dessus de la musique distillée par le power-group. Un des rares travestis de Las Vegas, dans une ville dopée à la testostérone, Frankie trouve au Gold Coast Ballroom sa seule famille possible, lui qui a tout perdu à San Francisco, femmes et enfants, brûlés dans un incendie, confie-t-il le temps d’une pause au bar de la salle de danse. Depuis 15, Las Vegas l’a sauvé, isolé d’un malheur qu’il revivait chaque jour.

Milke a 45 ans. Le poker, il l’a appris en brûlant ses nuits et ses jours, à sa majorité, devant les écrans de vidéo-poker du Maxim Casino à Las Vegas. Un établissement qui a depuis fermé, suite à la mort par balle du rappeur Tupac Shakur, entre ses murs. Mike a tout connu du poker, ses hauts et ses bas, mais a commencé par le pire. Accro aux machines de vidéo-poker jusqu’à voler l’argent de ses propres parents, il fera très vite un tour dans les réunions des Gamblers Anonymous, pour avoir trop suivi son mentor de l’époque, un régulier du Limit 20-40, Steve Samaroff. Pour apprendre le Hold’Em, il devient croupier et observe, inlassable, à la limite de l’autisme, les erreurs et les schémas de jeux des joueurs. Il franchit à nouveau la barrière du jeu très vite, se spécialisant en Omaha Hi-Lo, et remportant très vite ses premiers titres à Vegas. Mike est attachant, perturbé, explosif. Très vite, le gamin complexé devient « The Mouth », la grande gueule du poker télévisé du début des années 2000. Un personnage à part entière qui fait les joies des caméras du WPT. Mais Mike est borderline, et se fait piéger par la police du Nevada : il accepte de trouver de la cocaïne à une connaissance qui s’avère être un agent de police. Il passera 6 mois en prison à Clark County, avant de tenter de revenir sur le devant de la scène poker, brisé. Ruiné, malgré ses 6 000 000$ de gains en tournoi, il est moqué et raillé par la nouvelle génération. Cet été, à la surprise des béotiens et à la grande joie de tous ses amis, il remporte à nouveau un bracelet WSOP, en Hi-Lo. Le cadavre de The Mouth bouge encore.

Tony a 74 ans. Il est chauffeur de taxi depuis 40 ans. A l’époque où il a décidé de quitter sa vie d’avant, à New York, où il travaillait pour une famille du crime, au plus bas niveau, Las Vegas n’était encore qu’une sorte de ville-champignon construite sur quelques centaines de mètres autour du strip. « Après Decatur, » m’explique-t-il en me conduisant à Roma Deli, une petite épicerie italienne que m’avait recommandée Luca Pagano il y a des années, « c’était déjà le désert. Rien n’existait de tout ça… ». Tony a voulu fuir les ennuis judiciaires, qui ne sont jamais allés le chercher aussi loin que dans le désert du Nevada. Depuis 40 ans, il arpente les rues de Vegas, dans un taxi qui diffuse nuit et jour ses chansons italiennes préférées. Les bras couverts de tatouages pâlis par les années, il s’accorde chaque trimestre un voyage à San Francisco ou San Diego, seul dans sa voiture, pour aller « manger et parler italien ». A Vegas, il n’a rien construit, de « peur de tout reperdre. » Il profite seulement du soleil et évite les ennuis, avec précaution.

Ian a 49 ans. Enfant-star dès l’âge de 12 ans, il joue dans des comédies musicales, comme Peter Pan et goûte trop tôt aux lumières aveuglantes d’Hollywood. Blond, le sourire ravageur et les cheveux frisés, il incarne une certaine idée de l’Amérique saine et bien portante. Il est révélé au grand public en incarnant Steve dans une série culte des années 1990s, 90210 Beverly Hills, une exposition qui le mènera au faîte de sa gloire et au panthéon des grands brûlés de la télévision, ne se relevant jamais vraiment de ces années de gloire folle qui précèdent presque toujours la chute. Passé par la moulinette implacable des télé-réalités pour stars déchues à la fin des années 2000, Iain divorce et perd tout ce qui lui restait. Il se marie avec son infirmière rencontrée dans un centre de rehab et n’apparaît plus depuis 4 ans à la télévision. Pendant un mois, en parallèle des World Series, Ian s’est installé à Las Vegas : il incarnera le special guest du show Chippendales, proposé à toutes les bachelorettes de Las Vegas pour une petite centaine de dollars, dans une salle de spectacle dédiée à l’hystérie et au bodybuilding. Dans 15 jours, Ian disparaîtra à nouveau dans l’anonymat.

Paul a 79 ans. Il est l’une des figures du Dino’s Lounge, un bar qui clame haut et fort « Keeping Las Vegas Drunk Since 1962 », situé au Nord de la Stratosphere, en face d’un des plus gros strip-clubs de Las Vegas, l’Olympic Garden. Chez Dino’s, pas de danseuses dénudées, de notes dopées à l’aveuglement sexuel : on s’y retrouve entre locaux, 24h/24, autour d’un jukebox et d’une scène open-mic. Paul vient là depuis l’ouverture de l’établissement. Il y a même été barman, « dans une autre vie », plaisante-t-il en réajustant sa cravate fine en cuir. Il enchaïne, crooner sans âge, des titres de Sinatra ou de Soul, pendant que les très rares branchés de la ville, étudiants à UNLV, l’applaudissent ou montent eux aussi sur scène pour l’accompagner. Paul vit à Vegas depuis les années 1960, militaire de la gigantesque base militaire du North Las Vegas. Il a quitté la ville quelques années pour la guerre du Vietnam. Revenu traumatisé d’une guerre dont il ne veut plus jamais parler, il a enchaîné tous les petits boulots possibles dans une ville dédiée au jeu, à l’alcool et au stupre. Il vient chaque semaine chez Dino’s, situé à quelques centaines de mètres de son domicile sur Polaris, pour chanter et boire des double-whiskys. « Je n’attends pas la mort », rigole-t-il en s’allumant une cigarette, « mais elle finira bien par me trouver dans ce shithole ! ».

Jérôme Schmidt

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[Finale WiPT] L’union fait la force

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Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

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[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

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Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

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[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

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Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

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