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Le journal Off du poker

Journal off du poker : Lucky Chances, au coeur des réserves indiennes du jeu

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Un instinct unique —un troisième sens quasi-ésotérique— touche les joueurs-nés. Une soudaine évidence que son voisin de table fait lui aussi partie de cette confrérie invisible, l’étrange perception qu’un casino ou une salle de jeu n’est pas bien loin, l’incroyable sentiment de confort immédiat en rentrant dans une salle —comme si l’on retrouvait un monde codé (le bruit des jetons, des machines à sous, les cris des cocktails waitress, les hurlements des joueurs, l’odeur grasseyante des repas servis à table), unique, un cocon quasi-fœtal où rien ne peut nous arriver, puisque ni le temps ni le lieu ne sont précisés.

Prenez les routes américaines au hasard, arpentez les longues lignes droites monotones du paysage américain, et que vous soyiez au plus profond de l’Amérique redneck ou en plein cœur des mégalopoles de la côte est et ouest, vous trouverez toujours un moyen de joueur : une rencontre impromptue ou simplement le néon vacillant d’un casino au lointain, une sorte d’oasis de gambling dans le paysage urbain américain ripoliné, une excroissance aux racines historiques qui ont permis depuis des décennies aux pouvoirs publics américains de jouer avec leurs propres lois.

Rare, en effet, sont les états américains autorisant en leur territoire. Le Nevada, bien sûr, mais pas dans son intégralité (en réponse à Las Vegas la scandaleuse, les rigoristes de l’état avaient bâti Boulder, à une centaines de kilomètre, ville ascète où les habitants étaient payés en boulder-dollars, afin qu’ils ne puissent pas aller les dépenser aux tables de Vegas ou dans les bordels du désert du Mojave) ou Atlantic City sont les deux exceptions massives à la règle. Avec, plus discrètement mais bien plus massivement les réserves indiennes, territoire de non-droits ou de liberté absolue, selon le point de vue : on peut y produire son propre alcool, ses cigarettes et y construire des casinos. Les réserves les plus célèbres sont également le lieu idéal pour y installer des « gambling commission s » plus ou moins obscures censées héberger et valider l’offre des opérateurs de jeu en ligne opérant sur le continent américain. Le business des « native americans »  brasse des milliards, dans une opacité digne de la plus vierge des îles caribéennes, sous des couverts de remerciement patriotique pour ces « pères de la nation » oubliés et piétinés il y a des siècles.

Mais les réserves indiennes ne sont pas que de gigantesques lopins de terre qui permettent l’émergence d’absurdités architecturales telles que Foxwoods, dans le Nantucket, à deux heures de route de New York et moitié moins de Boston et Providence. Un casino de carton pâte exsudant le burger trop cuit, l’eau de javel déversée à température tiède dans les fausses fontaines en toc de ce complexe gigantesque abrité sous une des plus belles forêt nord-américaine, et proposant la plus grande poker-room du monde, théâtre d’une étape du World Poker Tour. Les réserves sont en fait absolument partout, parfois sur seulement quelques dizaines de mètres carré, survivances de lois territoriales ancestrales qui arrangent tout le monde. Prenez Portland par exemple : sur les 30 mètres carrés d’une micro-réserve qui jouxte l’aéroport, on a installé trois tables de poker qui tournent nuit et jour, abritées dans… les locaux d’une station service. On y joue majoritairement en Limit, à partir de 10-20, et la liste d’attente n’en finit pas…

Roulez du côté de Washington Pennsylvania, homonyme bien moins reluisant que la capitale du district de Columbia : perdu en plein cœur des montages avoisinantes, un faible néon blafard indique un « Gambling » écorné. Prenez la première sortie, et roulez quelques kilomètres : au milieu de l’absolu nulle part trône un préfabriqué de plusieurs centaines de mètre carré, épousant intégralement la forme de l’ancien réserve indienne. Même principe que chez son cousin de la côte ouest : des tables de poker, quelques autres de poker chinois (là encore, la majeure partie des joueurs sont d’origine asiatique), et surtout du Limit, à perdre de vue. Une clientèle d’habitués qui renoue avec la tradition des rounders : l’étranger de passage n’a guère de chance de repartir avec quelques dollars en poche…

A l’Hollywood Club, dans les faubourgs (lointains) de Seattle, derrière un « dinner » rutilant et orné d’une Marylin Monroe de néons, trois tables de poker et autant de Blackjack. A chacune de celles de poker, neuf joueurs et une place vide. Celle du pigeon, vous, qui ne pourrez vous empêcher de vous asseoir. Et le mouvement sera toujours le même : un set-up bien senti au bout d’une heure de jeu, qui vous vaudra votre tapis savamment construit (au choix : carré contre carré, full contre full, suite couleur contre couleur max, etc.). Revenez trois jours d’affilée, et vous jouerez contre les mêmes adversaires, avec le même croupier et vous connaîtrez la même mésaventure.

A Colma, sur les hauteurs de San Francisco, l’accueil est plus amical. « Lucky Chances » est le plus gros établissement de la Bay Area, à seulement vingt minutes en taxi du Downtown et du plus beau port des Etats-Unis. Là encore, une réserve indienne perdue en territoire de Cuppertino, à une volée des sièges sociaux d’Apple, Facebook ou Google. Ici, rien d’époustouflant : un vieux bâtiment, un restaurant chinois sous forme de buffet 24/24, quelques jeux de tables, et une vingtaine de tables de poker. Remplies, nuit et jour, la moitié en Limit Hold’Em (à partir de 15/30), et le reste également réparti en variantes (Omaha et Stud), NLHE (à partir de 3/5) et Spread-Limit 1 tour / 1 tour Omaha / Hold’Em. Les croupiers, tous d’origine asiatique sans la moindre exception, passent leur temps à changer de costumes : à la moindre pause, ils enlèvent leur gilet à leur nom et s’asseoint à une table avoisinante. Une étrange connivence, bizarrement amicale et peu suspicieuse, existe à chaque instant entre ces croupiers en civil qui profitent de leur demie heure de pause pour jouer contre ceux qu’ils vont ou viennent tout juste de servir… Les habitués sont légion, mais les règles sont appliquées souplement et sans favoritisme flagrant. Y gagner, tout du moins en NLHE, est des plus simples, si l’on accepte le profil invariablement flambeur des joueurs qui rappellent certains profils des tables parisiennes : des sur-relances préflop sans aucun rapport avec les blindes de départ (une 3/5 finit presqu’à chaque fois à 35$ préflop), des call de fétichistes et des justifications à n’en plus finir face à chaque tilt. « ‘Lucky Chances’ n’a pas fermé depuis son ouverture, il y a vingt ans », proclame fièrement un vieux panneau usé par la lumière aveuglante de la lune de la baie de San Francisco, posé devant les portes battantes du casino. On y vient, comme toujours, attiré par l’irrésistible lueur des néons, l’odeur léthale de la nourriture et de la sueur des joueurs à table depuis des jours entiers, le bruit hypnotisant des jetons et des noms criés à la ronde par les chip-runners, le vague frisson de l’argent facile à gagner et à perdre.

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[Finale WiPT] L’union fait la force

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Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

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[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

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Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

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[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

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Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

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