Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas eu la chance d’apercevoir la silhouette musculeuse de Gus Hansen, sa démarche chaloupée et sa bonne humeur communicative. Magie du WPT World Championship au Wynn, le Great Dane, comme on le surnommait au début des années 2000 au moment de son éclosion en tant que grand joueur historique du poker, est bel et bien de retour. Une surprise qu’on n’attendait pas, tant cet ancien joueur pro de backgammon, tennisman émérite et compétiteur hors-pair n’a jamais rien fait comme les autres. Tracer lui-même son chemin, affirmer sa singularité dans un monde où tout finit par se ressembler, voilà bien l’une des devises de ce francophile assumé qui nous accueille à la salle de fitness du Encore, à quelques pas des tables du World Poker Tour. Tout juste Phil Hellmuth, de passage en jogging déchiré, nous interrompra dans cette longue discussionL’heure est à la pause, en attendant le Day 2 du Main Event pour lequel il s’est brillamment qualifié. Entre deux squats, une dizaine de kilomètres de course sur tapis et quelques étirements, il revient en exclusivité pour nous sur sa carrière homérique.
Par Jérôme Schmidt / photographies : Caroline Darcourt
Vous voici de retour au WPT, plus de vingt ans après votre premier titre, qui date de 2002. Comment ce retour s’est opéré en coulisses ?
En fait, c’est par la bande : je suis un très vieil ami de Stéphane Matheu, avec qui je jouais au tennis il y a déjà près de vingt ans, et on est toujours restés très proches. On parle souvent ensemble, et on avait déjà collaboré avant qu’il ne devienne le Team Manager de Winamax. Hermance Blum, du World Poker Tour, est passée par lui pour entrer en contact avec moi. Elle savait qu’on était proche, et Hermance m’a fait passer le message que j’étais leur invité si j’avais envie de revenir à Las Vegas. Cela faisait plus de quatre ans que je n’avais pas participé à un tournoi… En plus, j’ai eu un petit garçon récemment, qui a désormais trois ans, donc je n’ai pas joué beaucoup au poker ces derniers temps. Je vis au Danemark, j’ai une vie tranquille, ça me fait aussi du bien de reprendre le poker. Je n’ai jamais abandonné le jeu ni le sport, bien sûr.
Et vous vous sentez à l’aise de revenir ainsi dans un gros tournoi ?
Je suis peut-être un peu fou (ndlr : en français dans le texte), mais quand on investit sur moi, que ça soit un sponsor comme le World Poker Tour ou un backer, je suis très sérieux et concentré. Par contre, quand je joue mon propre argent, parfois, je me perds un peu ! (rires) A Macau par exemple, dans les très grossses parties où des amis investissaient sur moi, j’étais bien plus motivé, car je déteste décevoir. J’ai eu une très bonne communication avec toute l’équipe du WPT, je suis là depuis près de deux semaines, j’ai participé au Meet Up Game, qui était une super idée, et même mon départ dans le Main Event, hier mardi, s’est bien passé. Il faut dire que tout a été organisé de la manière la plus exceptionnelle qui soit.
Quelle relation particulière avez-vous avec le World Poker Tour ? Vous en avez en effet été l’une des premières véritables stars, au début des années 2000…
Le poker n’a jamais été aussi énorme de par le monde. Même avec le ralentissement initié par le Covid n’a pas mis en danger l’explosion perpétuelle du poker. Il n’y a qu’à regarder cet évènement, bien sûr, mais aussi les World Series Of Poker cet été, qui ont encore battu bien des records de participation. Ici, au Main Event, le WPT propose une garantie historique de 40 000 000$. Les chiffres sont tout simplement fous… A l’époque de mes débuts, on pouvait espérer gagner 200 ou 300 000$ si on remportait un tournoi à 10 000$ de buy-in, mais là on parle de plus d’un million. Les franchises encore en activité font un travail incroyable, et les destinations proposées séduisent toutes les générations de joueurs. Bien sûr, Las Vegas et le Wynn, c’est une formule gagnante.
Si vous étiez jeune en 2023, que feriez-vous différemment au poker ?
J’ai 49 ans mais en vérité, je suis 22 (en français dans le texte) ! (rires) Je n’arrive pas à me dire que je suis vieux, même si je suis devenu un peu plus conservateur dans mon jeu. Je fais encore quelques bêtises, bien sûr, mais quand je repense au début de ma carrière, j’en ai fait des énormes et très souvent en plus ! Je crois que j’essaierais d’être plus prudent, surtout dans les énormes parties. Le plus grand ennemi du joueur de poker, c’est son égo : penser qu’on peut battre tout le monde, et s’enferrer dans cette attitude. Alors qu’en fait, demain est un autre jour. Tu peux perdre un jour, gagner le lendemain, et aussi, c’est bien possible que ton adversaire soit meilleur que toi ! Il doit y avoir un bon million de joueurs de poker, dans le monde entier, qui pense appartenir au Top 10 mondial, et il n’y a pas assez de place pour eux tous ! (rires) Dans le passé, parfois, j’ai pu avoir ce genre de travers, en 2003-2005, quand le WPT démarrait, je crois que j’étais l’un des meilleurs joueurs de tournois, mais vingt ans plus tard, je suis bien loin du peloton de tête. C’est l’évolution logique des choses : les joueurs de 1990 étaiient plus fort que ceux des années 1980s. Et ceux de ma génération se sont vus dépassés par les jeunes, qui utilisent de nouveaux outils, des solvers, etc. C’est le principe de tout sport de compétition : ils sont destinés à devenir de plus en plus élevés en terme de niveau. Je suis vraiment old school : je crois que ma force au poker, c’est mon identité. Cela peut aussi être un piège, mais j’aime développer mon propre style et mes idées. Et quand je me prends un mur, je me reconfigure. C’est ce qui m’anime encore, et me donne du plaisir. Et surtout : To beat all those motherfuckers ! (rires) Je suis un compétiteur né, c’est la base de tout ce que je suis : tennis, paddel, golf, échecs, poker, backgammon… Mais ça serait une bonne idée de me mettre aux nouveaux outils, et bosser avec d’autres joueurs sur ma façon de voir le poker, écouter des vidéos, etc, car je suis parfois trop borné. J’aime développer mes propres idées, mais je ne suis pas le seul au monde à faire ça : Phil Galfond et d’autres font ça très bien.
Vous parliez de Stéphane Matheu et du Team Winamax, vous vous imaginez dans une équipe comme celle-là ?
Ce qu’a fait Winamax est extraordinaire, car c’est un véritable esprit d’équipe qui existe entre les joueurs. C’est ce genre de relaitons, où tout le monde discuter avec tout le monde, confronte ses idées, réfléchit, se remet en question qui fait avancer le poker. Et le travail de mon ami Stéphane Matheu aussi, de toujours garder en tête que c’est une histoire de compétition. Je veux bien faire partie de Winamax, moi ! (rires) Je suis certain qu’on aurait beaucoup de choses à se dire avec des joueurs comme Adrian Mateos, par exemple…
Au moment où vous êtes passé du monde confidentiel du backgammon à celui, bien plus médiatique, du poker, vous avez même été nommé dans un magazine populaire, People, comme l’un des 50 garçons les plus beaux au monde… A quel point ce changement de carrière vous a-t-il exposé ?
Le poker et le backgammon sont deux mondes tellement disjoints… J’aimerais que le backgammon attire autant de joueurs, mais malheureusement, c’est un jeu bien plus personnel. Au backgammon, au bout d’un moment, on sait qui est le meilleur et à terme on gagne ou on perd tout le temps contre le même adversaire. Au poker, avec des tables à 6 voire 10 joueurs, chacun garde une possibilité de s’en sortir. Le backgammon, ce n’est pas les échecs, mais c’est visible de suite quand vous n’avez pas le niveau… Au poker, un soir ça sera Gus, l’autre Michel, et un autre encore, Fabrice ! (rires) Le backgammon est plus mathématique que le poker, et les ordinateurs ont résolu bien plus en encore ce jeu. Je ne joue d’ailleurs plus beaucoup en high-stakes au backgammon, car la scène est très peu active. Je suis moins aiguisé qu’à l’époque, je ne fais que des petites parties entre amis au Danemark. A l’époque, on pouvait jouer à 1000 ou 2000$ le point, ce qui fait des swings de 50 à 100 000$ par parties. Mais les parties sont très volatiles, c’est impossible de jouer à ces niveaux très longtemps d’affilée.
A une époque, vous avez été très actif à Macau, pour le poker. Quel souvenir en gardez-vous ?
Vers 2009-2010, j’ai débuté dans les grosses parties à Macau, et c’était vraiment très nouveau là-bas. J’ai eu pas mal de chance contre des joueurs récréatifs, qui possédaient toute la Chine, un peu comme au Monopoly. D’ailleurs, quand je serai grand, moi aussi je veux avoir tout le Monopoly de la Chine ! (rires) Je m’en suis bien sorti à l’époque, et je suis un joueur actif à table, qui donne de l’action, donc tout le monde était content. Je préfère d’ailleurs ce principe de tables sur invitations que les Big Game aux Etats-Unis, où tout le monde peut s’asseoir. Un jour, par « exemple, un milliardaire à qui j’avais tout pris a demandé à l’organisateur de la partie de ne plus m’inviter. Il était gêné mais moi, je trouve ça tout à fait normal, il n’y a aucun souci. Bien sur, 8 heures plus tard, mon téléphone a sonné, et c’était le type qui me rappelait pour que je vienne rejouer à table : « Le milliardaire a compris comment tu joues, il sait qu’il peut te battre maintenant ! » (rires) Bon, ça ne s’est pas passé comme il avait prévu…
Est-ce que votre image dans les grandes émissions de poker comme High Stakes Poker, vous aidait justement à vous faire accepter dans ces parties ?
Peut-être, mais ce n’était pas du tout pensé pour ça. Quand je prends une décision, à n’importe quel moment de n’importe quelle partie, c’est parce que je pense que c’est la meilleure, dans le contexte donné.
A l’époque, vous étiez également le premier à avoir ouvert votre « cerveau » à tous les lecteurs, avec le livre Every Hand Revealed. Quelle a été la génèse de ce projet ?
Je suis quelqu’un qui a beaucoup d’idées, mais qui ne va pas toujours jusqu’au bout… (rires) Mais cette fois-là, je trouvais ça vraiment intéressant et j’ai eu la chance de débuter cette rédaction aux Aussie Millions, lors d’un très long deep-run qui m’a emmené jusqu’à la victoire, ce qui rend d’autant plus intéressant toute la démarche. A chaque main, quand je foldais ensuite, je m’éloignais de la table avec un petit dictaphone, et j’enregistrais les données de la main passée, mes sensations et mon analyse. Même pour moi, c’était un exercice intéressant, qui m’a permis d’aller très loin dans le tournoi, car j’étais vraiment dans ma zone. Résultat, le livre est paru en 18 langues, dans une trentaine de pays… Et on m’en parle toujours, car à l’époque, les joueurs ne voulaient pas dévoiler leur façon de penser, ils étaient persuadés qu’ils avaient des secrets qui leur permettrait d’être meilleurs que les autres…
Vous avez été, par ce livre et par votre présence médiatique, le déclencheur d’une vague populaire en Scandinavie en terme de poker…
Pour qu’un sport puisse se développer, il faut des modèles, car cela créé un cercle vertueux. Pendant longtemps, par exemple, le tennis suédois a eu beaucoup de champions, car les jeunes voulaient faire comme Bjorn Borg, puis Stephen Edberg… Avec le poker, les jeunes du milieu des années 2000 voyaient Patrik Antoniius ou moi à la télévision, et ils se sont dit : et si je tentais le coup ? Et puis, il faut dire que le système universitaire danois, par exemple, laisse la possibilité aux jeunes de prendre une année sabbatique après leur bac, puis rémunère même les étudiants, ce qui leur ouvre énormément de possibilités, contrairement aux Etats-Unis qui fait payer des fortunes pour avoir le droit d’apprendre, ce que je trouve totalement absurde et contre productif… C’est comme ça que des jeunes sont arrivés dans le online et se sont mis à jouer encore bien plus agressivement que moi à la télévision ! Je me suis retrouvé pris dans ce maëlstrom, et je dois avouer en toute transparence que j’ai perdu des tonnes en ligne sur ces parties nosebleed.
Que sont devenus ces étoiles filantes, comme Viktor ‘Isildur1’ Blom ou Ilarie ‘Ziigmund’ Sahamies ?
Viktor Blom va bien, j’ai eu de ses nouvelles récemment, par contre Ziigmund, aucune idée de ce qu’il a pu devenir, il a complètement disparu de la scène… C’est sûr qu’à cette époque, on pouvait cliquer plusieurs centaines de milliers de dollars par minute, et je n’étais pas du tout concentré, c’était très virtuel pour moi… Je suis bien plus concentré en live, et mon jeu n’a absolument pas la même dimensioin dans ces conditions.
Quel souvenir gardez-vous de l’aventure Full Tilt ? Que faisiez-vous, par exemple, le jour du Black Friday…
Je me souviens parfaitement de ce jour : j’étais à Monte-Carlo en famille, avec ma sœur et son époux, qui était aussi mon manager, et le reste de ma famille. Vraiment, une journée très tranquille ! Et puis il y a eu un message pour nous avertir de la saisie du site et de l’entreprise. J’aurais aimé avoir la présence d’esprit d’enregistrer à l’époque la conversation qu’on a eu tous, entre shareholders de Full Tilt, juste après : c’était de la folie pure, la panique à bord. Personne ne se comportait plus comme des adultes, c’est là où j’ai compris qu’en fait, ce n’était pas du tout une volonté de frauder, mais plutôt qu’on n’était pas près à diriger une entreprise aussi énorme. Quand tout réussit, que l’argent coule à flot, on oublie toujours que ça peut s’arrêter du jour au lendemain… On a énormément critiqué Chris Ferguson et Howard Lederer, et laissé de côté Ray Bittar qui n’était pas connu, mais on leur a mis beaucoup de mauvaises intentions sur le dos, à tort… C’était une belle aventure, tant que ça a duré, en tout cas, et ce qui est rassurant c’est que les gens ont été remboursés par la suite !
Celui que l’on avait découvert comme un joueur très attachant et singulier au printemps après sa magnifique performance en finale du WiPT au Club Circus revient sur ses pas pour décrocher un autre trophée : le prestigieux WPT Prime à 1100€, qui lui rapporte 180 000€ de gains, ainsi qu’un ticket au prestigieux WPT World Championship de fin d’année, au Wynn de Las Vegas (10 400$).
2e Mathieu Goncalves 117 120€
3e Kostya Zaks 85 200€
4e Baptiste Audoli 63 700€
5e Etienne Silva de Oliveira 48 700€
6e Oleksii Ievchenko 38 100€
7e Ludovic Amblard 30 400€
8e Samuel Fournier 24 500€
Après 10 jours de compétition, le festival WPT Prime organisé par les équipes du World Poker Tour, du Pasino Grand et Texapoker en partenariat avec PMU Poker s’est achevé lundi soir avec la victoire de l’ukrainien Yakiv Syzghanov. Le très bon joueur régulier du circuit européen empoche 133 400€ dont un ticket WPT World Championship Wynn Las Vegas 2024 et s’est imposé dans un heads-up final face au français Laurent Michot (2e pour 82 000€), chipleader au démarrage de la dernière table. Derrière eux, on retrouve le Canadien Frédéric Normand (3e pour 61 000€), récent vainqueur d’un Main Event WPT et un side event du WPT World Championship au Wynn décembre dernier. Le Team Pro PMU Poker Dylan Cechowski réalise pour sa part son plus gros gain en carrière Live avec sa 4e place pour 45 000€.
Résultats Table finale Main Event 1 100€ WPT Prime Aix-en-Provence 2024 / Prizepool 727 680€ / 758 entrants / 96 ITM
Vainqueur Yakiv Syzghanov 133 400€ dont le ticket WPT World Championship Wynn 2024
Runner-up Laurent Michot 82 000€
3e Frédéric Normand 61 000€
4e Dylan Cechowski 45 000€
5e David Sacksick 34 000€
6e Andrea Volpi 26 000€
7e Eric Tedeschi 20 000€
8e Gilles Michaud 15 500€
Du côté du High Roller WPT Prime au buy-in de 2 200€, on retrouve une table finale où les réguliers français se sont particulièrement illustrés. C’est finalement après une table finale à suspens et à rallonge qu’Idir Haïche réalise le doublé après sa victoire sur ce même tournoi en Janvier 2023 dans l’édition du WPT Prime qui avait eu lieu dans la capitale française. Il remporte la somme de 50 000€ et confirme encore une fois sa maîtrise des tournois majeurs du circuit français avec notamment une table finale France Poker Series en août dernier au Stade Jean Bouin. Derrière lui, le très régulier Julien Mariani (34 640€) et le toujours aussi redoutable Kalidou Sow (24 400€) complètent le podium et pourront débuter les grandes échéances parisiennes (EPT Paris et WiPT) sur une belle dynamique.
Résultats High Roller 2 200€ WPT Prime Aix-en-Provence 2024 / Prizepool 186 240€ / 97 entrants / 13 ITM
Vainqueur Idir Haïche 50 000€
Runner-up Julien Mariani 34 640€
3e Kalidou Sow 24 400€
4e Miroslav Alilovic 17 600€
5e Benoit Grobocopatel 13 000€
6e Oleksii Lazarchuk 9 800€
7e Thierry Morel 7 600€
8e Baptiste Bensadi 6 100€
9e Antonio Pereira 5 100€
10e Stephane Vuscko 4 500€
11e Gilles Degioannis 4 500€
12e Maher Achour 4 500€
13e Wim Verhaegen 4 500€
C’est le point d’orgue du plus beau festival de poker de l’année qui vient de s’achever à minuit à Las Vegas : face à une table finale extrêmement relevée, c’est Daniel Sepiol, le moins connu d’entre tous, qui s’en sort haut la main au terme de coinflips bien passés et d’un heads-up largement dominé. Il récolte ainsi plus de 5 300 000$ pour cette performance unique. Toute la communauté poker attend en tout cas avec impatience la prochaine édition de ce WPT World Championship qui aura été une réussite unanime.
1st: Dan Sepiol – $5,282,954*
2nd: Georgios Sotiropoulos – $4,167,246
3rd: Andrew Lichtenberger – $2,798,700
4th: Chris Moorman – $2,095,300
5th: Ben Heath – $1,583,100
6th: Artur Martirosian – $1,207,000