Hier, dans les couloirs du Rio, bruissait un flot incessant de rumeurs. Car si la participation des tournois est, chaque jour, en hausse, le Black Friday est toujours présent dans l’esprit des joueurs et des organisateurs. Cela a commencé dès le premier jour de lancement des World Series, avec l’annonce fracassante de Phil Ivey, son boycott de la compétition et son attaque en justice de son sponsor, FullTilt —site dont il est actionnaire depuis ses débuts. Puis cela a continué, presque chaque jour, avec des altercations entre joueurs Full Tilt (James Bord menaçant John Juanda, puis Tom Dwan et Juanda, toujours lui, en venant quasiment aux mains, aux détours d’une porte dérobée) et l’absence des grands noms de la marque fondée par Raymond Bittar et Howard Lederer.
Hier, mardi 28 juin donc, une nouvelle révélée par un site online d’information poker, SourcePoker, a fait grand bruit : Jack Binion, ancien propriétaire des World Series Of Poker, allait racheter Full Tilt. La preuve : il était en Irlande ces derniers jours, accompagné de Phil Ivey, pour reprendre PocketKings et Tiltware (les deux marques en sous-main de FullTilt). Une nouvelle assez logique, finalement, puisque Binion est actuellement directeur du Wynn Macau, mais surtout le dernier représentant de la génération de casinotiers la plus célèbre de tous les Etats-Unis.
Descendant de Benny Binion —un Texan peu regardant sur la loi, les armes à feu, les meurtres et les jeux illégaux, et qui avait fuit le FBI pour s’installer à Las Vegas, zone de non droit—, Jack Binion est sûrement celui qui incarne le mieux encore l’ancien esprit far-west de Las Vegas. Un monde où les joueurs sont rois, tant qu’ils payent —ou que les casinos peuvent les plumer. C’est aussi, sur le papier, une formidable revanche pour celui qui a du céder les droits des World Series à Harrahs Entertainment, à cause d’une sombre histoire de dispute d’héritage avec Becky Binion, et qui semblait avoir pris un coup de vieux face à la déferlante du online. Le Texas reprend ses droits.
Selon SourcePoker, et d’autres témoignages concordants, l’accord est plus qu’engagé, quasi-signé. Et Ivey ferait partie du deal global. Une preuve —s’il en fallait encore— que le move d’Ivey au premier jour des World Series n’avait rien d’un geste philanthropique, bien au contraire. « Ivey n’a jamais pensé qu’à sa gueule », résumait assez violemment Mike Matusow, « et sur ce coup-là, il ne joue encore que pour sa propre petite personne. »
Il faut dire que le roaster de joueurs Full Tilt est en pleine implosion. La preuve, avec cette vidéo étonnante, il y a quelques jours d’un Howard Lederer, co-fondateur de FullTilt et large actionnaire, en fuite devant une caméra de télévision venu le débusquer à la sortie d’un restaurant de Las Vegas. Lederer fonce tête la première dans sa puissante Audi A8, refusant toute réaction. Depuis le scandale du Black Friday, Lederer se terre dans un appartement à Las Vegas, bien loin de sa villa, de peur de représailles. Des millions de dollars sont en jeux, et les lois du far west, toujours celles-là, ont parfois tendance à être remises au goût du jour…
Pas plus de nouvelles, d’ailleurs, de Chris Ferguson, le meilleur ami de Raymond Bittar, avec qui il avait pendant de nombreuses années joué en bourse avant de fonder FullTilt. Tous préfèrent fuir la vindicte populaire, en espérant que tout se réglera petit à petit.
Seul problème, ce mercredi 29 juin au matin, un nouveau pavé dans la mare a été jeté : l’Alderney Gaming Commission (la commission des jeux du siège social de FullTilt) a suspendu sine die la licence de FullTilt. Résultat : non seulement le .com reste fermé, mais tous les sites comme le .fr sont indisponibles. Fermé, il n’y a plus rien à voir. Les conséquences ? Elles sont énormes : MoneyBookers a clos tous les dépôts possibles vers FullTilt ; les joueurs français, pourtant assurés d’un environnement supposé sain avec l’ARJEL, se voient sans possibilité de jouer ni de récupérer leur argent ; les joueurs sponsorisés sont sans nouvelle ni paye…
PokerStars a immédiatement réagi : la Gambling Commission de l’Ile de Man lui laisse, bien évidemment, sa licence… Avec cette ironie toute particulière : dans ces paradis fiscaux où corruption et blanchiment sont des mots du langage courant, on se demande bien ce qu’a pu faire FullTilt pour arriver à être suspendu par une telle commission fantoche.
Pendant des années, Full Tilt et PokerStars —ainsi que quelques autres— ont tout voulu, tout de suite. Dans le premier cas, cette société fondée par un trader, Bittar, n’a été que cavalerie et fuite en avant : le jeu interdit aux USA ? Prenons le maximum d’argent tant qu’il est encore temps ; la mise en place du blanchiment des flux de dépôts et de paiement ? Un simple outil technique pour contourner la loi… Avec, chez FullTilt, une volonté de cash-out le plus d’argent possible, sans se soucier de l’inéluctable : la fin de la récréation sonnée par le FBI et le DOJ. Chez PokerStars, mêmes procédés, mais avec un bémol, et pas des moindres : une entreprise quasi-familiale, avec des bases plus solides et un managing sérieux, même si dans la plus totale illégalité. Et chez tous, un double discours qui a duré pendant des années : tout le monde est libre de pouvoir jouer à sa passion, le poker, en ligne. Et chaque room de prélever plus de 12 millions de dollars de rake au quotidien.
Seulement 48 joueurs restants sur les plus de 720 inscrits au PLO Championship des WSOP à 10 000$ de buy-in, mais de beaux espoirs français à surveiller : deux d’entre eux sont dans le Top 10 des chipcounts (Elie Nakache, 2ème ; Sonny Franco, 8ème) tandis que d’autres noms connus du poker hexagonal sont encore en lice avec un tapis qui leur permettrait de revenir dans la course en tête : David Benyamine (23e), Bruno Fitoussi (36e) et Karim Lehoussine (41e). A suivre dès demain pour déterminer la table finale, avec plus de 1 300 000$ à la gagne !
Ne nous mentons pas : peu de gens mettaient encore une pièce sur Daniel Negreanu depuis plusieurs années. Le joueur toujours sponsorisé (après PokerStars, GG Poker) avait de quoi brûler du buy-in, sans pour autant faire beaucoup de performances. Et voilà qu’il revient par la plus grande porte possible au devant de la scène poker avec une victoire dans le plus beau tournoi de l’année, le 50 000$ mixed-games, toujours aussi relevé.
Petit field, bien sûr, mais une table finale qui avait convoqué aussi bien Phil Ivey que David Benyamine, deux autres gloires absolues de ces variantes. Le Canadien remporte plus de 1 178 000$ mais, et cela n’a pas de prix, l’estime renouvelée de ses pairs !
C’est dans le Poker Player’s Championship à 50 000$ des WSOP qu’on reconnait les meilleurs des joueurs, les plus polyvalents et les plus constants. Et à ces jeux-là, à 13 joueurs restants, il y a un chipleader qui n’est autre que David Benyamine, surement le joueur le plus brillant de toutes les générations. Il annonce d’ailleurs chez nos confrères de Winamax vouloir faire un come-back massif, même en Europe, dans les mois à venir… Restent à ses côtés d’autres grands noms, plus short-stack, comme un certain Phil Ivey, mais aussi Michael Mizrachi et Daniel Negreanu…