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Le journal Off du poker

Journal off des WSOP (17 juin) : Milliardaire, ou presque

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Le désert, à perte de vue. Quelques lignes droites, tracées à même une carte d’état major, comme autant de chemins singuliers qui convergent vers un halo, de plus en plus brillant. L’image illusioniste est usée,  rebattue, mais Vegas n’existe dans le désert du Mojave que sous le couvert d’une vision floue et soudaine, néons criards à même le ciel, étendue de pavillons suburbiens à perte de vue, jusqu’au désert, toujours et encore, qui absorbe les derniers souffle de vie de la ville devenue mégalopole malgré elle.

De partout convergent des avions, charters, jets, hélicoptères, cabriolets rutilants ou bus Coach America. Ils déversent un flot ininterrompu de couples vieillissants, de prostituées d’un week-end venue allier le shopping à la passe d’escort VIP, de joueurs faméliques aux poches déjà vides, de « baleines » invitées par les casinos pour raser le temps d’une nuit les tables high-rollers avant de tout recracher, au centuple, au petit matin. Vegas est un aimant, plus fort que toutes les résistances humaines, une force invisible qui draîne dans cet océan de sécheresse tous les espoirs déjà perdus et soldés par les visiteurs d’un jour, d’un mois, d’une fin de vie. C’est une ville-carton, bien sûr, mais surtout une cité qui ne cache ni son but, ni ses moyens : derrière le rêve prémâché, elle assume au grand jour, sous le soleil froid et implacable du désert, son statut d’essoreuse magnifique, de grande lessiveuse d’une humanité auquelle elle n’a jamais cru. C’est une ville-rue, qui n’a jamais perdu ce statut au fil du temps, articulée autour du Strip et de son enchainement de casinos-parc d’attraction. Une épine dorsale qui, à son tour, aimante toute l’activité, où l’on se traîne de mall climatisé en casino rutilant en short et tongs, le corps martelé par les changements incessants de température, avant de revenir, le soir tombé, tenter de décrocher la victoire qui changera tout.

Cette ville où l’on ne fait que passer n’épargne pas plus ses habitants, mortifiés à tout jamais dans la perte quotidienne de leurs maigres payes, ombres errant au soleil des tours de verre du City Center, à la recherche d’un second souffle qui ne viendra jamais. Ces joueurs qui ne cachent plus rien, eux non plus, réduits à un état de puanteur absolue, habillés d’un simple sac poubelle bleu, déchiré et rapiécé mille fois, affalés devant une machine à sous de stations services, les moins chères mais, statistiquement, les plus coûteuses. Ces petites mains du gambling business, croupiers, femmes de chambre, chauffeurs, hosts sans clients, qui n’ont d’autre horizon que le bruit assourdissant des machines à sous, les cris des cocktails-waitresses dénudées et couloirs sans fin des bétaillères de l’hôtellerie bas de gamme du Strip sud. On ne vient pas s’enterrer dans le désert par hasard, surtout depuis l’autre bout du monde. On y tente une seconde et dernière chance, et puis tant pis si cela ne marche pas. Les trailer-parks recueillent tous ceux qui n’ont pas encore connu aux affres des môtels de Glitter Gulch, sas de sortie avant la rue, les égouts, le moindre buisson qui protège du soleil qui traque les plus ruinés. Car après Las Vegas, il n’y a plus rien d’autre que des étendues de néant, un rien absolu qui entoure comme une protection les habitants d’un rêve qui n’aurait jamais pu bien tourner.

Alors bien sûr, il y a un lac, ou plutôt une réserve d’eau artificielle, géante, lunaire, démentielle, qui s’assèche un peu plus chaque année ; il y a les canyons, majestueux, infestés de faux indiens servant aux touristes amenés par palanquées un verre de mousseux au beau milieu des parcs nationaux ; il y a la Vallée de la mort, et son motel ancestral, que même les bed bugs ont déserté, faute de clients ; il y a Pahrump, cité minière oubliée, reconstruite autour de quelques bordels fréquentés par les rares clients venus de Vegas goûter à la prostitution en toute légalité. Pahrump, Nevada, et ses Gun Shows annuels organisés par la NRA, le puissant lobby pro-armes, pour briser l’ennui de la vie de cette ville elle aussi perdue dans le désert, à 60km de tout – ou de rien. Une population vieillissante, sans autre horizon que les deux « Terribles » Casino et les deux Gentlemen’s Club. Une ville-champignon qui n’a jamais poussée, et où l’ombre courbée d’un vieil homme traverse chaque jour la route principale.

Cet homme, c’est Ronald Wayne. Un milliardaire – ou presque. A Pahrump, Wayne tient un magasin de philatélie, sa passion depuis les années 1950. A plus de 80 ans, il ouvre quotidiennement sa petite boutique située à l’extrémité sud de la ville. Des clients, Wayne n’en attend pas vraiment. Il regarde patiemment, pendant des heures, ses collections de timbres, un colt à portée de mains, au cas où. A midi pile, il part déjeuner en face, chez ses voisins. Cela fait 30 ans que Ronald Wayne est parti s’installer à Pahrump. Pour oublier les occasions gâchées et pour se reconstruire. Réparer quelques machines à sous des casinos locaux, pour commencer, puis faire son commerce de philatélie, par correspondance principalement. Au début des années 1980, Wayne avait deux associés dans une petite boîte informatique qu’ils venaient tous trois de monter. Mais lui a voulu passer à autre chose, et leur revendre ses parts, pour 800$. Les deux autres, Steve Wozniak et Steve Jobs, ont préféré continuer.

Jérôme Schmidt

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[Finale WiPT] L’union fait la force

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Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

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[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

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Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

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[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

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Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

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